#Mali : Lutte contre la désertification : Contrer la dégradation des terres agricoles du Mali dans un contexte de changement climatique

Aujourd’hui 17 juin 2024, le Mali célèbre en même temps la fête Aid el kebir et la Journée mondiale de lutte contre la désertification et la sècheresse. Cette journée marque la fin de la 25ème édition de la Quinzaine de l’environnement, instaurée par notre Gouvernement pour élever le niveau de conscience du citoyen et de la citoyenne sur la nécessité à mieux gérer les ressources environnementales du pays. Le thème retenu cette année est : Notre patrimoine, notre avenir».

Publié lundi 17 juin 2024 à 09:54
#Mali : Lutte contre la désertification : Contrer la dégradation des terres agricoles du Mali dans un contexte de changement climatique

A cette occasion, je voudrais attirer l’attention de mes compatriotes que nos terres agricoles, note patrimoine, ressources la plus précieuses à partir desquelles nous tirons notre subsistance, subissent des dégradations poussées à cause de nos pratiques agricoles qui menacent leur état de santé. D’où des interrogations sur la durabilité de la productivité agricole Pour y faire face, nous devrions adopter la gestion durable des terres et l’objectif affiché est de pouvoir atteindre, d’ici 2030, la neutralité en matière de dégradation des terres.


L’ambition du Mali : être une puissance agricole

Le Mali est pays à vocation agricole où l'agriculture familiale est la forme la plus répandue au Mali. La production agricole est gérée et exploitée par une famille et repose principalement sur la main-d'œuvre familiale. Le Mali ambitionne pourtant d’être une puissance agricole dans la sous-région. Pour y arriver, il doit se doter des moyens de pouvoir diversifier sa production agricole et de produire en grande quantité pour satisfaire les besoins locaux et exporter le surplus. En effet, le pays est le second plus important producteur de céréales en Afrique de l’Ouest derrière le Nigéria. Durant la saison 2023/2024, la production de céréales a atteint 9,9 millions de tonnes en baisse de 3 % par rapport la campagne précédente. 


Ce niveau en baisse d’une année fait suite notamment à une mauvaise répartition des précipitations mal réparties de juin et juillet qui ont retardé les semis et le développement des cultures. En plus du faible accès aux fertilisants en particulier pour la culture du riz qui compte. Mais le Mali demeure le second producteur de céréales de l’Afrique de l’Ouest derrière le Nigéria. La consommation en céréales du pays est environ 5,4 millions de tonnes de grains ce qui laisse la place à une exportation du surplus vers les pays voisins.


La production agricole est pour l’essentiel tributaire la pluviométrie, donc vulnérable aux effets négatifs des variations et changement climatiques. Or, les experts prédisent, à propos de scénarios climatiques à l’horizon 2100, ce qui suit :

• une diminution de la pluviométrie avec des taux de pertes de l’ordre de 1à 5% (2020), 2 à 6% (2025), 5 à 8% (2030), 5 à 10 % (2050) et enfin 22% (2100) qui se traduirait par un déplacement des isohyètes vers le sud ;

• une hausse des températures dans toutes les localités du Mali avec un taux moyen de l’ordre de 0,5°C (2020), 1,0°C (2025), 1,5°C (2030), 1.7°C (2050) et enfin 3.0°C (2100).

Avec cette tendance, pour le secteur de l’agriculture, doit se préparer aux impacts directs attendus de ces changements et variations climatiques :

• un début des saisons désormais très variable et étalé dans le temps, interruption, fin prématurée ;

• une modification pour l'agriculture et l'alimentation des cycles de croissance des végétaux avec des influences néfastes sur les récoltes, la modification de la répartition et de la superficie des terres cultivables et la déforestation à vaste échelle ;

• une variation des dates normales de démarrage et de fin de la saison des pluies, entraînant une fluctuation de la longueur de la saison des pluies, ce qui se traduit alors par des retards dans l’installation de la saison ainsi que des arrêts prématurés des pluies;

• une aggravation des problèmes d’insécurité alimentaire pouvant exacerber la pauvreté. Il est attendu une tendance négative pour le maïs, le millet, le sorgho et les arachides. Par rapport à l'année 2000, les rendements devraient baisser de 13 % pour le maïs, de 12 % pour le millet et le sorgho, et de 7 % pour les arachides d’ici à 2080.


Par ailleurs, la population malienne de près de 23 millions habitants en 2024 est caractérisée par une forte croissance démographique de 3,6%. Estimée à 5 millions habitants en 1960, cette population pourrait se multipliée par 10 pour atteindre 50 millions en 2050. Je n’évoque pas ce nombre non pour faire peur ou pour dire que vous avez tort d’avoir des enfants ou de prévoir d’en avoir. C’est une réalité qui nous interpelle à prendre le contrôle non seulement de comment s’effectue la production agricole mais aussi de la qualité des produits.  


En plus, cette population est plus en plus attirée par les villes ; par exemple, Bamako qui comptait  2 500 habitants en 1884), puis 8 000 habitants en 1908) ; 37 000 habitants en 1945, près de 100 000 en 1960 continue d'attirer une population rurale en quête de travail pour  atteindre  3 000 000 habitants en 2023. Ces arrivants, une fois en ville. Une fois en ville, n’ont plus les mêmes attitudes vis-à-vis des ressources naturelles que leurs parents et ancêtres.  

 

Un patrimoine de terres agricoles en proie à une dégradation poussée

Le potentiel de terres arables est de plus de 30 millions d’ha dont 11,4 millions ha de terres sous cultures et jachères. Chaque année 4,9 millions ha de terres sont mises. Les sols y sont   caractérisés non seulement par leur faible teneur en phosphore, potassium et souffre, mais aussi par leur forte sensibilité à l’érosion éolienne et/ou hydrique.  Le taux de dégradation total des terres entre 2000 et 2015 s’est établi à 6,8%. La dégradation des terres agricoles se manifestent la forme de :

• la salinisation des terres agricoles et l’alcalinité en zone rizicole : plus de 26% de terres de la zone Office du Niger sont affectées ;

• la lixiviation des nutriments (perte de la fertilité du sol dans toutes les zones) et l’encroûtement des sols : occasionnant l’érosion des sols une perte annuelle en sol de de l’ordre de 6,5 tonnes/ha/an, variant de 1 tonne au nord à plus 30 tonnes au sud. De 7 à 15 % des terres, devenues stériles ont été abandonnées. Une autre manifestation concerne la perte totale de carbone organique du sol estimée à 569 132 T, soit environ 0,06 % du stock national du carbone des consécutive aux conversions des terres. Une autre manifestation concerne la perte totale de carbone organique du sol estimée à 569 132 T, soit environ 0,06 % du stock national du carbone des consécutive aux conversions des terres ;

• la perte de la structure du sol : 30% des terres sont complètement dégradées et les 70 autres % sont en déclin de productivité.

• la diminution de la couverture végétale et la perte de biodiversité : un changement net du couvert végétal évalué, pour la période de 2000 et 2015, à 18 430 Km² (soit 1,5% des terres répertoriées), dont 823 Km² pour les forêts, 3 213 Km² pour les terres cultivées et des pâturages affectés par des conversions préjudiciables. Ils ont aussi conduit à un déclin de la productivité nette des terres sur 22 184 Km² de la superficie de la couverture terrestre affectée ; 

 

Les coûts des dommages environnementaux et des inefficiences dans l’utilisation des «Sols et Forêts» représentaient 0,4-6 % du PIB, du fait de l’érosion du sol et à 5,35 % en raison de la déforestation. En zone soudanienne, les pertes en revenus agricoles sont estimées chaque année, à 90 000 Fcfa par hectare.  

 

Notre avenir :  Transformer les terres dégradées en terres saines

Devant les impacts préoccupants susmentionnés, le Mali sur sa propre initiative ou soutenu par des programmes internationaux, a mis en place de nombreuses actions de lutte contre la désertification en prenant des mesures correctives et préventives. Les efforts se sont poursuivi aussi bien au niveau gouvernemental qu’au niveau des acteurs locaux, à travers des projets ponctuels avec l’appui financier des partenaires techniques et financiers suivant des approches sectorielles.  

Malgré tous ces efforts, la dégradation des terres s’est poursuivie et s’est généralisée au point de rompre les équilibres existants entre les populations de la région et leur milieu.

 

Solution innovante : Neutralité en matière de dégradation des terres

Dans l’optique d’éviter, de réduire ces pertes critiques et d’inverser cette tendance à la dégradation des terres, le Gouvernement du Mali projette d’atteindre la neutralité en matière de dégradation des terres d’ici 2030. La neutralité de la dégradation des terres est n état dans lequel la quantité et la qualité des ressources en terres nécessaires pour soutenir les fonctions et les services des écosystèmes et améliorer la sécurité alimentaire restent stables ou augmentent dans des écosystèmes et des échelles temporelles et spatiales spécifiées.[3] Le cadre conceptuel de LDN encourage la mise en œuvre de diverses mesures qui équilibrent les pertes en capital naturel terrestre et les gains par la restauration des terres ou la gestion durable des terres. 

Les  cibles retenues par Mali porte sur : i) une augmentation de la superficie forestière à 26% de la superficie totale du territoire ; ii) une réduction de la proportion des terres cultivées annuellement, affectées par une baisse de fertilité et sujettes à l’érosion soit environ 2,5 millions ha ; iii) la réduction d’au moins 25% la perte annuelle de superficie forestière soit environ 125 000 ha, avec comme finalité d’accroître la production agricole et de préserver  les écosystèmes avec une amélioration nette du couvert végétal de 10%.

 

Le principe directeur de la neutralité se fonde sur la hiérarchie des réponses face à la dégradation déjà constatée ou potentielle, évaluée durant une période de référence et suivant des tendances des valeurs des indicateurs principaux que sont la couverture terrestre, la productivité nette et le stock de carbone organique du sol. Trois indicateurs sont retenus pour suivre les progrès accomplis dans la réalisation de la NDT. Il s’agit de l’occupation des terres, de la productivité des terres, et du stock de carbone.  Ces trois indicateurs associés permettent de faire un état des lieux de la situation de dégradation des terres. Ils reflètent les processus clés qui sous-tendent le capital naturel terrestre.

 

Actions à entreprendre pour atteindre la neutralité en matière de dégradation des terres.

Cette approche innovante repose sur la mise en œuvre de solutions concrètes sur le terrain par plusieurs types d’actions, parmi lesquels deux constituent des voies prioritaires pour atteindre la neutralité en matière de dégradation des terres :


• Gestion durable des terres agricoles pour lutter contre leur dégradation. Il s’agit de l’adoption de systèmes d’utilisation des terres qui, à travers des pratiques de gestion appropriées, permettent à leurs utilisateurs de maximiser les avantages procurés par les terres, tout en préservant ou en renforçant leurs fonctions de soutien écologique. L’ensemble des pratiques agro-écologiques, agroforestières, culturales traditionnelles... peuvent être améliorées ou généralisées par des technologies modernes au service d’un objectif de gestion durable des terres. Les techniques de GDT (incluant aussi la gestion durable de l’eau), qui sont aujourd’hui bien connues, ont prouvé leur efficacité. Les techniques anti-érosives (cordons pierreux, demi-lunes, banquettes) et de restauration des sols par le zaï ont permis d’améliorer la fertilité sur des centaines de milliers d’hectares. Ces différents procédés ont permis d’augmenter significativement la production agricole à l’hectare, de 40 % à 120 % ; Renforcer les capacités des acteurs locaux structures techniques, agro-éleveurs, ONGs, etc.) à la compréhension des variations climatiques et à leur intégration dans les systèmes de production agro-sylvo-pastoraux.


Le Cadre Stratégique d’investissement avait préconisé d’adopter dans un premier temps, de façon intelligente, certaines de ces bonnes, notamment :

o la régénération Naturelle Assistée (RNA) sur 1 000 projets pour couvrir 200 000 ha dans les zones potentielles ;

o la  fertilisation de 500 000 ha  de terres. En plus, 200 000 ha de terres cultivées seront aménagés en courbes de niveau et 200 000 ha autres à travers d’autres techniques de lutte antiérosive. Le Système de Riziculture Intensive (SRI) sera promu dans les zones propices à travers 1 500 ha;

o le reboisement de 500 000 ha de superficies pour la restauration des terres dégradées  dont 1 000 ha ;

o la réhabilitation de plus de 20% des superficies des forêts classées dégradées et 20% de superficies d’aires protégées seront protégés et/ou réhabilités. Au total 03 parcs, 09 réserves de faunes et 08 Zones d’Intérêt Cynégétique seront aménagés et 50 plans d’aménagement et de gestion (PAG) des forêts seront élaborés et mis en œuvre


Restauration et la réhabilitation des terres dégradées : Elles sont entreprises lorsque les écosystèmes sont déjà dégradés, endommagés, transformés ou entièrement détruits du fait de l’activité humaine, dont les impacts sont aggravés par les conditions climatiques et les phénomènes naturels (sécheresse, incendie, inondation, glissement de terrain…). La restauration écologique, au sens large, est donc une action intentionnelle qui initie ou accélère l’autoréparation d’un écosystème en respectant sa santé, son intégrité et sa gestion durable. Essentiellement sur le terrain, il s’agira de l’adoption notamment de pratiques agricoles écologiques telles que l’usage rationnel de l’eau, le recours aux éléments fertilisants biologiques et naturels, les pratiques de labour optimales et la lutte intégrée contre les ennemis des cultures.

 

Dr Alamir Sinna Touré,

Ph.D Sciences forestières

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