
La décision de censurer des artistes africains des trois pays concernés a été accueillie avec beaucoup d’amertume
La
vitalité culturelle de nos pays africains s’apprécie aussi à l’aune des
sollicitations des artistes africains en dehors du continent, notamment en
France, Amérique et ailleurs. Ces sollicitations représentent un gagne-pain
pour eux. Malheureusement, les consignes du Quai d’Orsay (ministère des
Affaires étrangères français) de ne pas programmer les artistes maliens,
burkinabé et nigériens sur les scènes françaises fait souffler un vent
d’incompréhension dans «le monde des artistes» et au sein de l’opinion
nationale. Cette mesure d’interdiction des autorités françaises qui frappe les
artistes des trois pays concernés fait déjà des victimes.
L’une
d’entre elles est, sans doute, Jeanne Diama dont la pièce de théâtre intitulée
: «Pouvoir de pagne» mise en scène par Assitan Tangara devrait avoir quelques
représentations en France en octobre prochain. Mais hélas, elle ne sera
probablement pas vue dans l’Hexagone.
Cette
œuvre met en scène quatre femmes maliennes se retrouvant dans un espace hors du
temps et du monde. C’est l’occasion pour elles de se retrouver, d’échanger sur
leurs vies, mais aussi leurs souffrances dans ce parloir de pagnes colorés,
symbole de la condition féminine au Mali. Les injonctions de la société, les
violences quotidiennes, le machisme, la sexualité… La parole se libère. C’est
l’occasion de rire, de se moquer, mais aussi de pleurer et témoigner.
En
effet, les responsables des théâtres publics ont reçu un mail rédigé du
ministère de l’Europe et des Affaires étrangères leur demandant de «suspendre,
jusqu’à nouvel ordre, toute coopération avec le Mali, Niger et le Burkina
Faso». Une décision qui a crée un émoi au sein du monde des artistes, des
managers, mais aussi des structures et établissements culturels dans les trois
pays concernés, mais aussi en France.
L’entourage de l’artiste malien Sidiki
Diabaté, qui prépare un concert inédit devant se tenir à l’Accord Arena de
Paris en novembre prochain, estime que ce show n’est pas visé, car il s’agit
d’une prestation sur laquelle aucune structure publique n’est concernée. Les
proches du chanteur prétextent le fait que ce spectacle est organisé par une
structure privée en relation avec «Diabatéba music». Ainsi, les prestations des
artistes qui sont organisées par des privés ne seront pas frappées par la
mesure, nous indique un manager malien qui a recquis l’anonymat.
Notre
compatriotes Eva Doumbia, artiste et metteur en scène, écrit sur sa page
Facebook : «Je suis sidérée. Je pense aux amis courageux et puissants qui
créent souvent dans des conditions inimaginables des spectacles et festivals,
abordent des questions importantes, notamment celles concernant les femmes, Assitan
Tangara, Béto Bétodji Odile Sankara Lamine Diarra, Aristide Tarnagda, Adama
Traoré Acte 7...
D'autres qui résident en Europe, mais qui travaillent avec des
créateurs de leurs pays d'origine comme Salia Sanou, Hassane Kouyaté, Irène
Tassembedo, Serge Aimé Coulibaly... Même les artistes membres de la diaspora
qui vivent en France, dont je suis, qui travaillent régulièrement avec des
artistes de ces pays. Ça nous met dans une situation intenable. Cette décision est comme un mur qui sépare
des familles».
Un douche froide, notamment pour les Francofolies de la Rochelle, à Limoges, pour son directeur Hassane Kassi Kouyaté qui a reçu la missive alors qu’il répète à la Scène nationale d’Aubusson, Zoé d’Olivier Choinière. S’exprimant sur la Radio France Inter, jeudi dernier, et dont nous avons reçu le podcast, le Franco-burkinabé estime que : «cette décision met en péril la venue de plusieurs artistes à quelques jours du 40e festival des Francophonie.
OTAGES
DES DÉCISIONS- Tous les adhérents des différents syndicats d’artistes,
d’établissements culturels et autres métiers de la scène et des festivals, ont
aussi découvert mercredi dernier ce mail émanant du ministère de l’Europe et
des Affaires étrangères. Il leur demande expressément de suspendre «les projets
de coopération qui sont menés par vos établissements ou vos services avec des
institutions ou des ressortissants de ces trois pays». Et ce «sans délai, et sans aucune exception».
Le mail précise : «Tous les soutiens financiers doivent également être
suspendus, y compris via des structures françaises, comme des associations par
exemple. De la même manière, aucune invitation de tout ressortissant de ces
pays ne doit être lancée. à compter de ce jour, la France ne délivre plus de
visas pour les ressortissants de ces trois pays sans aucune exception et ce
jusqu’à nouvel ordre». Dans le même podcast de France-Inter, les différents
syndicats demandaient jeudi dernier la tenue d’une réunion immédiate avec le
ministère en charge des Affaires étrangères pour que les arguments des
professionnels soient écoutés et que la solidarité de la France à l’égard des
artistes soit affirmée avec force. Pour Hassane Kassi Kouyaté,
Franco-burkinabé, c’est un coup dur.
«On est tous otages des décisions
politiques. Ces décisions me dépassent», explique-t-il. «Je n’ai pas les
tenants et les aboutissants, mais je les subis en tant qu’organisateur et en
tant qu’artiste aussi ». Cette décision va aussi impacter le festival Sens
Interdits qui se déroule à Lyon du 14 au 28 octobre 2023 et qui doit accueillir
plusieurs spectacles en provenance du Mali.
«Cette interdiction totale concernant trois pays traversés par des
crises en effet très graves n’a évidemment aucun sens d’un point de vue
artistique et constitue une erreur majeure d’un point de vue politique.
C’est
tout le contraire qu’il convient de faire. Cette politique d’interdiction de la
circulation des artistes et de leurs œuvres n’a jamais prévalu dans aucune
autre crise internationale, des plus récentes avec la Russie, aux plus anciennes
et durables avec la Chine». Dans un communiqué de presse publié jeudi dernier,
le ministère français de la Culture explique qu’ «aucune déprogrammation
d’artistes, de quelque nationalité que ce soit, n’est demandée ni par le
ministère des Affaires étrangères, ni par le ministère de la Culture.
Pour des raisons de sécurité, la France a suspendu depuis le 7 août la délivrance de visas, depuis Niamey, Ougadougou et Bamako, ainsi que la mise en œuvre dans ces pays de nos actions de coopération culturelle. Cette décision n’affecte pas les personnes qui seraient titulaires de visas délivrés avant cette date ou qui résident en France ou dans d’autres pays». Voila qui enlève un peu à la confusion
Youssouf DOUMBIA
Une jeune cinéaste formée au Conservatoire des arts et métiers multimédia Balla Fasséké Kouyaté (Cam-BFK) fait déjà parler d’elle.
C’est demain que l’Institut français accueillera la première d’une création chorégraphique d’envergure africaine dénommée : «Corps pour XXIIè siècle-Acte II». Cette chorégraphie symbolise un nouveau pas, une ascension.
Les artisans maliens rivalisent d’ardeur depuis l’ouverture de ce rendez-vous culturel et économique. Les résultats des différents concours seront connus dimanche prochain lors de la clôture de l’événement.
Telle est la volonté affichée par les responsables de ces centres en initiant ces assises. Objectif : apporter leur contribution à la promotion de la culture pour une économie durable et pour la paix.
Les organisateurs ont enregistré plus de 1.400 participants. Au-delà des artisans burkinabè, d’autres d’une dizaine de pays africains et de l’Inde y prennent part.
Invité d’honneur de cet évènement, ce pays voisin y participe à travers son Premier ministre, qui à la tête d’une forte délégation comprenant de nombreux ministres, a pris part à l’ouverture du Salon. Mais aussi des artisans qui animent des stands et proposent des produits intéressan.