L’ancien diplomate parle également de la diplomatie actuelle de notre pays et celle de la Confédération des états du Sahel (AES)
L’Essor : Quelles sont les missions d’un
ambassadeur d’un pays accrédité auprès d’un autre pays ?
Sékouba Cissé : La Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques définit les règles essentielles entre les États et entre ces derniers et les organisations internationales.
Selon l’article 3 de cette Convention, les fonctions de l’ambassadeur sont les suivantes : représenter l’État accréditant c’est-à-dire celui d’envoi auprès de l’Etat accréditaire, protéger dans l’Etat accréditaire, les intérêts de l’État accréditant et de ses ressortissants dans les limites admises par le Droit international, négocier avec le gouvernement de l’État accréditaire, s’informer par tous les moyens licites des conditions et de l’évolution des évènements dans l’État accréditaire et faire le rapport à ce sujet au gouvernement de l’État accréditant, promouvoir les relations amicales et développer les relations économiques, culturelles et scientifiques entre l’État accréditant et l’État accréditaire.
S’inspirant de cette Convention, le gouvernement
du Mali a adopté le décret 0517/P-RM du 20 juin 2018 fixant l’organisation et
les modalités de fonctionnement des missions diplomatiques et des postes
consulaires du Mali qui contient ces missions.
L’Essor : Quel constat faites-vous de la
diplomatie malienne d’aujourd’hui ? Certains trouvent qu’elle est beaucoup
plus agressive, ces derniers temps. Quelle appréciation en faites-vous ?
Sékouba Cissé : Afin de remplir sa mission, la diplomatie malienne se réfère aux principes universels de la Charte des Nations unies qui prônent l’égalité souveraine de tous les États, l’accomplissement de bonne foi des obligations, le règlement des différends par des moyens pacifiques et le respect de l’intégrité et de la souveraineté des autres Etats. Il s’agit également des principes inter régionaux tels que le Non alignement adopté à Belgrade en 1961, des principes et objectifs de la Charte de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) et de l’acte constitutif de l’Union africaine à savoir la libération totale du continent africain, la réalisation de l’unité africaine, le respect de l’intégrité des frontières au moment des indépendances, l’intégration des pays et l’émancipation des peuples africains. S’y ajoute le principe de bon voisinage.
Ces différents principes ont soutenu la diplomatie malienne tout le long de son histoire malgré les différents changements intervenus en matière de politique extérieure. La politique extérieure actuelle du Mali a été définie par le Président de la Transition, le Général d’armée Assimi Goïta, et consignée dans la Constitution du 22 juillet 2023 avec trois objectifs qui sont le respect de la souveraineté du Mali, le respect des choix stratégiques de partenariat du Mali et la protection des intérêts du Mali.
La diplomatie malienne actuelle s’efforce de mettre en œuvre ces objectifs. Ce faisant, elle développe une diplomatie proactive qui se manifeste par la prise d’initiatives après des moments où notre pays était confronté à la présence de nombreuses forces étrangères comme Serval, Barkhane, Takuba, Minusma et les acteurs de l’accord d’Alger notamment.
Ainsi, les autorités ont souligné à maintes reprises que le Mali est disposé à nouer et entretenir des liens de coopération fructueuse avec tout pays qui respecte ces principes. C’est ainsi qu’en application du principe concernant le partenariat stratégique, notre pays a tissé des liens étroits avec des pays comme la Russie, la Chine, la Türkiye et l’Iran.
Ce partenariat se manifeste sur le plan bilatéral avec ces pays qui ont satisfait au besoin d’armements des Forces armées maliennes (FAMa) et apporté leur concours à la formation des hommes en uniforme. Il se manifeste également au sein des organisations internationales telles que l’ONU où le Mali peut compter sur le soutien de la Russie et de la Chine au Conseil de sécurité.
En plus des pays ayant une relation stratégique avec le nôtre, d’autres tels que les Émirats arabes unis, les États-Unis, l’Allemagne ont souhaité développer des rapports de coopération basés sur ces trois principes. Il s’agit de développer avec cette deuxième catégorie de pays, des liens gagnant-gagnant dans les domaines de coopération économique et sécuritaire concernant la lutte contre le terrorisme. C’est dire qu’aucun pays ne peut vivre en autarcie et notre avis est que le gouvernement a tout à fait raison de poursuivre l’ouverture du pays à la communauté internationale sur la base de ces principes.
En ce qui concerne le troisième principe qui place
l’intérêt du Mali et des Maliens au-dessus de toute autre considération, les
autorités ont fait preuve de discernement et de clairvoyance car la première
richesse d’un pays est constituée par ses ressources humaines. Concernant le
premier principe, ceux qui ne respectent pas la souveraineté du Mali
l’apprennent à leur dépens comme la France et la Suède dont les ambassadeurs
ont été déclarés persona non grata. L’Algérie également a reçu le même
traitement suite à l’abattage du drone malien au-dessus du territoire malien
lorsque le Mali a décidé de rappeler son ambassadeur à Alger.
L’Essor : Qu’est-ce que la mesure de
réciprocité en matière de diplomatie ?
Sékouba Cissé : Le principe de réciprocité
est le caractère de ce qui est mutuel et réciproque, impliquant un échange
équilibré et une dépendance mutuelle. En Droit international et comme principe
de base, les États respectent leurs engagements à condition que les autres
Etats en fassent de même. Cela s’applique dans les accords internationaux et
son non-respect par une partie peut délier l’autre partie de ses obligations.
Récemment, le Mali a appliqué ce principe de réciprocité à l’Algérie lorsque ce
pays a fermé sa frontière avec le nôtre. Il en est de même à la suite de la
décision des États-Unis d’Amérique qui ont institué une caution pour
l’obtention de visa pour nos ressortissants. Heureusement, les États-Unis ont
finalement retiré le Mali de la liste de ceux qui doivent payer la caution de
5.000 à 10.000 dollars pour son visa.
L’Essor : Que signifie persona non grata en
diplomatie et quels sont ses impacts sur la personne frappée par cette
mesure ?
Sékouba Cissé : Il s’agit d’une notion de Droit international diplomatique par laquelle, l’État accréditaire c’est-à-dire l’État d’accueil dispose du droit discrétionnaire de demander à l’État accréditant de rappeler tel diplomate devenu persona non grata c’est-à-dire indésirable.
Lorsqu’il est saisi d’une telle demande, l’État accréditant ne peut qu’obtempérer et rappeler son diplomate. Il n’a en effet aucun moyen de s’opposer à la volonté de l’État accréditaire.
L’article 9 de la Convention de Vienne de 1961
souligne clairement le caractère unilatéral et discriminatoire de la
qualification de persona non grata. L’État accréditaire peut à tout moment et
sans avoir à motiver sa décision, informer l’État accréditant que le Chef de la
mission ou tout autre membre du personnel diplomatique est persona non grata ou
que tout autre membre du personnel de la mission n’est pas acceptable. Une
telle qualification doit être considérée juridiquement comme valant rupture d’agrément
ou d’accréditation lorsqu’il s’agit d’un ambassadeur et le retrait de la liste
diplomatique pour tout autre diplomate puisqu’elle fait obligation à l’Etat
accréditant de rapatrier l’agent concerné ou de mettre fin à ses fonctions
auprès de la mission. L’agent doit s’exécuter dans un délai
raisonnable qui peut varier selon les circonstances de quarante-huit
heures à deux semaines.
L’Essor : Souvent, on entend qu’il faut
privilégier la voie diplomatique pour la résolution des conflits entre États.
Qu’est-ce que cela sous-entend et quels sont les avantages ?
Sékouba Cissé : Avant de répondre à cette question, il convient de définir ce qu’est un conflit entre États. Le différend international est dans son sens le plus général, un litige de nature indifférenciée entre États. C’est précisément dans ce sens indifférencié que la Charte des Nations unies utilise le terme lorsqu’elle prescrit en son article 33 que «les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationale doivent en rechercher la solution».
C’est tout le sens donné à la diplomatie préventive dont les outils portent sur la prévention des conflits internationaux. Les mesures adoptées pour éviter l’éclatement des conflits ou celles prises lorsqu’ils ont déjà éclaté constituent la diplomatie préventive. La diplomatie préventive peut être définie comme la mise en place de l’art de la négociation politique ayant pour objectif la gestion pacifique des conflits. Les modes diplomatiques de règlement des conflits comprennent la négociation, la consultation, les bons offices, la médiation et la conciliation. Pour ce concerne la mission de bons offices, elle a été menée, par exemple, par le Président Modibo Keita entre le Président Ben Bella d’Algérie et le Roi Hassan II du Maroc dans le règlement de ce qui fut appelé la guerre des sables en 1963 en présence de sa majesté Hailé Sélassié, empereur d’Ethiopie.
L’Essor : les États n’ont pas d’amis, ils
n’ont que des intérêts. Que pensez-vous de cette citation ?
Sékouba Cissé : Cette expression est une
citation attribuée au Général Charles de Gaulle. Elle exprime l’idée que les
relations internationales sont fondées sur des considérations pragmatiques et
des intérêts nationaux, plutôt que sur des sentiments d’amitié ou de loyauté.
En d’autres termes, les pays interagissent entre eux en fonction de ce qu’ils
peuvent gagner ou perdre, et non en fonction de liens affectifs.
L’Essor : Au niveau de la Confédération AES,
les trois pays ont décidé de parler de la même voix sur la scène
internationale. Quelles peuvent être les implications, les avantages ou
inconvénients d’une telle décision ?
Sékouba Cissé : Il est vrai que de plus en plus, la Confédération AES manifeste sa présence sur la scène internationale avec sa devise «un peuple, un espace, un destin». Cela relève tout d‘abord de la volonté des pays qui composent cette organisation et surtout des Chefs d’État qui la dirigent, notamment le Général d’armée Assimi Goita du Mali, le Capitaine Ibrahim Traoré du Burkina Faso et le Général d’armée Abdourahamane Tiani du Niger, d’accorder toute l’attention que requiert à une telle entité géopolitique naissante.
Trois domaines prioritaires ont été définis par la Confédération à savoir les trois D qui sont la Défense, la Diplomatie et le Développement. Ainsi, en matière de diplomatie, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont décidé de parler d’une même voix sur la scène internationale.
En matière de diplomatie comme dans d’autres domaines, on dit que l’union fait la force. En plus, cela a pour avantage d’éviter des voix discordantes entre ces États sur la scène internationale. Ainsi le Général Assimi Goïta a eu à s’exprimer en sa qualité de Président en exercice de la Confédération lors des rencontres internationales sur des sujets d’intérêt commun pour l’organisation comme ce fut le cas en Fédération de Russie.
Il en fut de même lorsque l’Algérie a abattu un drone malien au-dessus du territoire malien. Ce qui a donné lieu non seulement à une réprobation commune des pays de la Confédération mais aussi à un rappel des ambassadeurs de ces pays d’Alger. Ceci constitue en diplomatie un soutien fort de la part de ces pays.
Dans le domaine de la diplomatie, cette
coordination ne présente pratiquement aucun inconvénient. La seule difficulté
qui pourrait arriver sera lorsque les trois pays ne partagent pas la même
opinion sur tel ou tel évènement particulier de la vie internationale. Dans ce
cas, un consensus est toujours possible pour les unir davantage.
Propos recueillis par Bembablin DOUMBIA
Bembablin DOUMBIA
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