
L’Essor :
Quelle analyse faites-vous du discours prononcé samedi par le ministre des
Affaires étrangères, Abdoulaye Diop à la tribune des Nations unies ?
Dr
Aly Tounkara : Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération
internationale, Abdoulaye Diop est clairement revenu sur les enjeux du moment
notamment les efforts que consent l’Etat du Mali dans le processus vers une
paix durable. De même, il n’a pas manqué de clarifier la duplicité des
mouvements armés signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation.
Bien qu’étant engagés dans le processus de paix, ces mouvements fricotent avec
les groupes radicaux violents notamment par les hommes de Iyad Ag Ghaly et même
ceux de Sahraoui en certains endroits du Mali.
Le ministre des Affaires étrangères a aussi insisté sur l’impérieuse nécessité que la communauté internationale sorte, à la limite, du déni et de soutenir les états dans les processus de reconquête des territoires qui sont aujourd’hui sous, par moments et par endroits, le contrôle des mouvements armés terroristes. De même, il est revenu sur l’épineuse question du dossier du Niger qui fait l’objet d’une sorte de compétition à la fois entre la France, la Cedeao à certains égards l’Union africaine. Tout cela a été mis en évidence par le ministre Diop.
L’Essor
: Tout cela intervient dans un contexte marqué par la montée des attaques
terroristes notamment contre le bateau «Tombouctou» et des camps militaires…
Dr
Aly Tounkara : La recrudescence des attaques ces derniers temps était
malheureusement prévisible, même si on ne peut pas les légitimer. Le retour
avec fracas de l’Armée malienne dans les localités qu’elle avait quittées
depuis mai 2014 notamment Ber, Anéfis n’est pas sans conséquences à la fois
pour les mouvements armés signataires ou non signataires de l’Accord pour la
paix et même pour les groupes radicaux violents. Rappelons qu’aujourd’hui,
l’analyse ne souffre d’aucun doute que la Coordination des mouvements de l’Azawad
(CMA), à certains égards, certains éléments de la Plateforme évoluent de
concert avec les hommes d’Iyad Ag Ghaly, donc Al-Qaïda et même avec ceux de
Sahraoui, donc l’état islamique.
C’est
pour dire que cette connexion entre les entrepreneurs de la violence
expliquerait l’intensité ou le volume des attaques terroristes dirigées contre
les symboles de l’état contre même les populations civiles. Il faut dire que
ces combats violents vont se poursuivre pour les quatre, voire les six mois à
venir. Parce que, l’Armée malienne, au regard de sa reconfiguration sur le plan
sécuritaire, au regard de la flotte qu’elle a aujourd’hui, de cette volonté
affichée de la part de l’élite militaire au pouvoir de contrôler réellement
toute l’étendue du territoire, sont des éléments qui laissent entendre que les
combats vont être très violents dans les mois à venir.
Mais tout porte à croire qu’au bout du tunnel, l’Armée malienne finirait par s’installer dans les localités où on ne pouvait pas l’imaginer en 2012. Donc, c’est compréhensible que les combats soient d’une telle intensité, que les attaques soient d’une telle ampleur. Les finalités qui sont recherchées par l’Armée malienne sont, entre autres, la reconquête totale du territoire, le maillage sécuritaire satisfaisant et efficace.
L’Essor :
La création de l’Alliance des états du Sahel par le Mali, le Burkina Faso et le
Niger permettra-t-elle de relever les défis sécuritaires dans le Sahel ?
Dr
Aly Tounkara : En ce qui concerne l’Alliance, si on regarde le contexte
dans lequel elle est née, tout laisse croire que ça va être un organe différent
des autres tant dans sa composition qu’aux finalités recherchées. C’est une des
rares organisations qui réunirait les états avec la volonté expresse des seuls pays
concernés sans qu’il y ait d’interférences.
L’Autorité du Liptako-Gourma qui date des décennies, la Force conjointe du G5 Sahel sont, entre
autres, des organes qui ont été salués au moment de leur création. Mais,
malheureusement, ces organes ont fait l’objet d’interférences de puissances
économiques et militaires. Lesquelles interférences ont fini par avoir raison
sur leur efficacité et de leur pertinence dans les efforts de développement et
également dans les efforts de stabilisation du Sahel.
Rappelons que les soutiens financiers de partenaires non sahéliens expliquent l’immixtion de la géopolitique dans des questions relevant de l’apanage des états. Donc, cette volonté de préserver son autonomie vis-à-vis de l’extérieur, de ne pas être affecté par l’immixtion des puissances militaires et économiques sont, entre autres, des éléments qui laissent entendre que cette Alliance pourrait être différente des autres organisations jusqu’ici présentes.
L’autre
élément important, il est fort probable au regard de la composition de l’AES
qu’on assiste dans un avenir très proche que le Mali, le Burkina Faso et le
Niger évoluent sous un même commandement commun dans le cadre de la lutte
contre les groupes radicaux violents notamment dans la partie dite Liptako-Gourma.
Ce qui a beaucoup manqué à la Force conjointe du G5 Sahel qui, malheureusement,
n’a pas connu d’actions réellement conjointes entre les états. Les actions de
la Force conjointe n’ont jamais été placées sous un commandement cohérent et
constant sans interférences.
Avec
cette Alliance, déjà un certain nombre d’équipements de l’Armée malienne sont
mis à disposition à la demande de l’Armée burkinabé. Pour dire que l’Alliance,
en partie, fonctionne entre le Mali et le Burkina Faso. De même, avec les
militaires à la tête du Niger, tout laisse croire que dans les mois à venir,
voire dans les semaines à venir des opérations proprement conjointes pourraient
être menées par ces trois armées. Je pense que c’est une solution qui pourrait
permettre à ces trois États de mutualiser les efforts. Et même de mutualiser
les moyens dans le cadre de la lutte contre la nébuleuse terroriste et surtout
sous un même commandement commun sans qu’il y ait autant d’interférences.
Au-delà
de sa pertinence, la lutte contre le
terrorisme coûte très chère. Ne serait-ce que mener une action conjointe entre
les trois pays sur 72 heures va coûter en moyenne 500 millions, voire un
milliard de Fcfa. Donc, pour dire que les actions militaires sont très
couteuses.
À cela, on pourrait légitimement s’interroger, si l’on sait que ces trois pays réunis aujourd’hui font face à des difficultés sur le plan financier pour des raisons liées à la Covid-19, à une lutte prolongée contre le terrorisme et même à des conjonctures économiques qui sont à la limite universelles.
Tous
ces éléments réunis, il est tout à fait soutenable comme hypothèse que ces
trois États pourraient être confrontés à des difficultés financières. Au-delà
de la mutualisation des efforts dans le cadre de la lutte contre le terrorisme,
il est important de rappeler que parmi les facteurs qui sous-tendraient
l’extrémisme violent et le terrorisme, il y a cette question de développement.
Notamment l’accès en quantité et en qualité d’un certain nombre de services
sociaux de base de la part des communautés rurales.
Toutes
ces questions d’eau, de couloirs de transhumance, d’employabilité, d’impacts
négatifs liés au changement climatique sont, entre autres, des facteurs qui
nécessitent non seulement des moyens financiers conséquents mais dans le même
temps des investissements très lourds dans la durée.
Lorsqu’on interroge
l’insécurité au prisme du sous-développement et de la non satisfaction des
besoins basiques des communautés à la base, il est tout à fait prudent de se
dire que cette Alliance peut remporter pas mal de succès sur l’ennemi.
Cependant, pour éradiquer les causes profondes de l’insécurité, cette Alliance
aura du grain à moudre au regard des enjeux.
Propos recueillis par
Massa SIDIBE
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