Mme Aïssata Ongoïba
Presque toutes les régions
ont subi les violences imposées par le diktat des hordes de djihadistes et de
rebelles sans loi, ni foi. Cette situation d’insécurité dans ces zones a provoqué
un déplacement massif de populations. Celles-ci ont fui leurs villages, hameaux
pour se mettre à l’abri loin des siens dans des contrées jugées paisibles.
Certaines ont pris la direction des régions du nord, d’autres n’ont pas hésité
à se rendre dans la capitale ou dans les régions du sud ou dans le pire des
cas, traversé la frontière la plus proche pour se retrouver dans les pays
voisins.
La Région de Gao, à l’instar d’autres du nord, a connu une affluence de déplacés internes venus des Régions de Mopti, Douentza, Bandiagara. Mme Aïssata Ongoïba fait partie de ces déplacés internes qui ont rejoint la cité des Askia pour fuir les exactions commises par les terroristes sur les populations sans défense. En arrivant dans sa cité de refuge en provenance de son village natal Dinangourou (Cercle de Koro, Région de Bandiagara), la dame Ongoïba était certainement loin de se douter que cet «exil doré» allait se révéler être une source de revenus et d’épanouissement pour elle et les siens. Elle et ceux qui ont fui les attaques terroristes perpétrées à Mondoro et Dinangourou ont été hébergés sur le site aménagé en 2020 de Boulgoundjé. Ils bénéficient de l’attention et de l’assistance des personnes de bonne volonté et notamment des organisations humanitaires et des agences des Nations unies comme l’Organisation des Nations unies pour l’enfance (Unicef) ou le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR).
ROMPRE LA
DÉPENDANCE- Mme Aïssata Ongoïba a atterri sur ce site avec comme seul bagage
intellectuel son Diplôme d’études fondamentales (DEF), obtenu en 2014 à
Dinangourou, son village natal. Ici en raison de sa situation précaire et faute
de moyens financiers, elle n’a pas pu poursuivre son cursus scolaire. Une
opportunité inédite va s’offrir à elle contre toute attente. Et c’est là où
elle va mesurer toute l’utilité de l’instruction qu’elle a reçue. Les
organisations humanitaires intervenant sur le site de Boulgoundjé avaient
besoin d’une traductrice en langue dogosso en plus du fait qu’elle est déjà une
locutrice en français. Elle s’est révélée être le profil idéal recherché dans
ce lot de «naufragés échoués» sur le site et qui ont besoin d’assistance.
L’occasion faisant
le larron, Mme Aïssata Ongoïba a été présentée par son oncle au personnel de la
Direction régionale de la promotion de la femme, de la famille et de l’enfant
(DRPFFE) de Gao qui cherchait un interprète qui comprend à la fois le français
et la langue dogosso. Le test effectué a permis aux initiateurs de la retenir
comme apte à servir comme interprète pour l’espace Ami des enfants du site de
Mondoro. Un travail qui va la
permettre de se passer de l’assistance matérielle et financière de son oncle.
C’était celui-ci qui assurait ses besoins matériels au quotidien y compris le
savon pour le linge. «Depuis que je travaille comme interprète, et perçois un
salaire, je me prends en charge même si je n’arrive pas à les assumer
convenablement», confie-t-elle. Avant de compléter qu’elle est mariée et mère
de deux enfants qui sont à sa charge tandis que leur père se trouve à
Dinangourou. «J’assure désormais toutes les charges de la famille et c’est pour
cela que je ne peux pas économiser de l’argent pour financer mes études
auxquelles je ne veux pas renoncer. Ce salaire représente une lueur d’espoir
pour moi dans la grisaille de mon exil que je vis au quotidien», révèle la
jeune dame. Elle remercie le bon Dieu, son oncle, l’Unicef et la DRPFFE pour
lui avoir offert cette opportunité d’être indépendante financièrement.
APTITUDE NATURELLE-
Mme Aïssata Ongoïba travaille (dogosso pour elle) en tandem avec Mme Maïga
Bibata Maïga (français pour la seconde) qui est diplômée de l’Institut de
formation des maîtres (IFM) et détentrice d’une Licence de l’école des
infirmiers de Gao. Employée comme animatrice sur le site des déplacés de
Mondoro, elle reconnaît que sa collègue est d’une grande utilité pour le site.
La barrière de la langue est ainsi aplanie facilitant du coup l’interaction
entre les intervenants et les bénéficiaires du site.
Dans la communication
communautaire, explique Mamadou Tchiéma Diarra de la DRPFFE, les femmes
disposent d’un atout qu’un homme n’a pas. Elles ont cette aptitude presque
naturelle à mieux communiquer avec les enfants, leurs semblables plus que les
hommes. La communication se passe mieux avec les femmes qu’avec les hommes qui
ont tendance à insister alors que la femme, elle, prend le temps d’expliquer,
ajoute le spécialiste. Cette utilité permet certainement d’apaiser l’angoisse
de la séparation forcée des siens du fait de la crise sécuritaire.
La DRPFFE apporte un encadrement aux enfants et à la jeune fille, explique-t-il. Dans le cas de Mme Aïssata Ongoïba, qui est en abandon scolaire forcé, elle pourra comme elle le désire, bénéficier de formation dans le cadre des activités génératrices de revenus ou poursuivre ses études. Les partenaires comme l’Unicef et d’autres sont disposés à lui apporter cet appui indispensable à son autonomisation.
En attendant, Mme Aïssata Ongoïba semble bien apprécier et savourer le bonheur que lui procure son travail sur le site dans lequel elle vit en attendant un retour qu’elle espère bien proche au village natal.
Abdrahamane TOURE / AMAP - Gao
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