Deux ans presque auparavant, un «mur de la honte» s’effondrait sous le coup de boutoir des forces progressistes assoiffées de démocratie en Europe, en Amérique latine, en ex-URSS, en Afrique et dans une moindre mesure en Asie. Les changements démocratiques, comme une trainée de poudre, se sont emparés du continent africain au rythme des révolutions de palais plus ou moins sanglants, de conférences nationales, de l’instauration du multipartisme partiel ou intégral et de la restauration de plusieurs pans des libertés individuelles collectives escamotées pendant plusieurs décennies après les indépendances.
Dans notre pays, la révolution du 26 mars 1991 a mis fin à 23 ans de régime civilo-militaire avec les phases de gouvernance du Comité militaire de libération nationale (CMLN) et de l’Union démocratique du Peuple malien (UDPM). À l’aube de mémorable 26 mars 1991, le vent nouveau de la démocratie a rafraichi le Mali, le Ramadan et la saison chaude ne semblaient entamer en rien l’ardeur des acteurs du « mouvement démocratique», chapoté par la coordination des associations et organisations démocratiques.
Des hommes et des femmes, dans des associations, mouvements et partis clandestins d’abord, puis autorisés (les associations) par le régime qui sera leur victime, s’étaient mis de longue date à créer les conditions du changement politique. Puis arrive le vent de la démocratie pour les aider à parachever leur lutte.
La nouvelle gouvernance démocratique s’installait, au détour d’une transition menée par les civils et les militaires et des élections générales en 1992, avec un trop plein de promesses de changement radical à tous les niveaux. Le Malien se mettait à rêver d’un Mali nouveau et d’une vie nouvelle dont les libertés nouvelles ne suffisaient à combler. La forte demande sociale attendait d’être satisfaite et chacun voulait sa quote-part de bonheur.
Des chantiers nouveaux ouverts sur tous les fronts ont donné des éléments de preuve de ce changement général promis : écoles, centres de santé, routes, projets générateurs de revenus. L’Adema, nouveau parti au pouvoir, qui s’est installé à Koulouba, à l’Assemblée nationale et dans une bonne part de municipalités aura laissé son empreinte d’un parti fort et structuré. Même si le premier mandat du Président Alpha Oumar Konaré a soufflé quelques braises ardentes sur le front social et jusqu’au sein du parti. La fin d’une décennie de règne de l’Adema en 2002 et son incapacité à réussir le passage de témoin en son sein a été le début d’un dépérissement de l’image de marque du renouveau de la gouvernance démocratique dont elle aura été le porte flambeau.
À partir de là, le fait partisan qui fait la force de la gouvernance politique a laissé la place à une nouvelle forme de gouvernance avec un candidat indépendant et des partis satellites autour. Les observateurs de l’espace politique malien peuvent se demander si ce type de transition politique de la gouvernance, une décennie après la révolution du 26 mars, était vraiment pensée par les acteurs de la frange politique du mouvement démocratique car c’est bien à la composante militaire qu’il est revenu de reprendre le flambeau en 2002, avec le retour au pouvoir du soldat de la démocratie, Amadou Toumani Touré, élu avec une coalition de partis autour du «Mouvement citoyen».
De cette date à ce 26 mars 2025, différentes vagues auront secoué le marigot politique malien jusque dans ses profondeurs insoupçonnées : deux mandats présidentiels non aboutis, trois insurrections militaires, trois transitions. À la décharge des pionniers de la démocratie malienne, l’on mettrait dans la balance les contingences socio-économiques, géopolitiques pour lesquelles le pays a été rarement bien préparé à contrer les impacts : dévaluation du franc CFA, ajustements structurels, terrorisme, printemps arabes, etc.
Pour autant, le mouvement démocratique aura laissé son empreinte à travers plusieurs pratiques républicaines ancrées, en dépit des changements de régimes : la semaine et la journée des Martyrs, le mois de la solidarité et de lutte contre l’exclusion, l’espace d’interpellation démocratique, etc. Il aura aussi marqué les esprits par des édifices comme les monuments, des infrastructures de la mémoire en lesquels les Maliens se retrouvent. Comme ce fut le 17 mars dernier au monument Cabral, ce 26 mars le Président de la Transition ou son représentant procédera au dépôt de gerbes de fleur au Monument des Martyrs en présence des représentants des associations et organisations démocratiques et de certains pionniers du 26 mars 1991.
À 34 ans, la démocratie malienne semble à la croisée des chemins, entre transition politique, avènement d’un monde multipolaire, naissance de l’AES, dénonciation des partenariats bilatéraux et multilatéraux (départ de l’ambassadeur de France, des forces françaises, de la Miunsma, sortie du G5 Sahel, de la Cedeao, de la Francophonie). La démocratie malienne, née des idéaux du 26 mars 1991, tente de résister aux transitions tous azimuts, surtout en cette période de transition, d’affirmation forte de la souveraineté du Mali sur fond de construction du Mali kura. Et surtout au début d’une 4e république naissante qui marque le crépuscule de la 3e république, enfant légitime de la révolution du 26 mars 1991. Et pourtant, «les derniers des Mohicains» du 26 mars 1991 encore en activité tentent de sauver un héritage malmené tout en restant scotchés aux idéaux de la lutte pour la démocratie, afin de continuer d’honorer la mémoire des nombreux martyrs tombés pour la cause.
Ali Nouhoum Diallo, Mountaga Tall et bien d’autres continuent de se battre à la loyale par la force des idées et des actions pour ce faire. Leurs partis continuent, par le système d’alliance et de regroupement, à porter la voix dans l’espace politique. Pour autant la relève est-elle assurée ? La nouvelle génération du landerneau politique malien tente de prendre ce qui est à prendre de cet héritage qui a presque leur âge, non sans vouloir suivre sa propre voie. Est-elle bien formée idéologiquement comme ses devanciers héros du 26 mars 1991 ? La réponse mérite une longue patience, une observation minutieuse et un pari pour un renouveau politique malien de belle facture.
Alassane Souleymane
La rencontre de Bamako va permettre de mettre en place les organes dirigeants de la BCID-AES, valider les textes fondateurs tout en veillant à la disponibilité des moyens techniques, financiers, juridiques et humains nécessaires à son développement.
À la place des statues des explorateurs et des gouverneurs du Soudan français, se trouvent désormais celles des résistants à la pénétration coloniale et des figures emblématiques de notre Armée.
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Dans un environnement informationnel en constante mutation, démêler le vrai du faux est devenu un enjeu majeur. Et ce combat contre la désinformation nécessite obligatoirement le respect des principes du journalisme..
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