Vestibule : Un patrimoine à sauvegarder

Ce temple, chargé de symboles parce que siège du pouvoir des légitimités traditionnelles, est un pan de notre culture. Il représente la communauté sur le plan culturel, social et juridique

Publié lundi 24 avril 2023 à 05:43
Vestibule : Un patrimoine à sauvegarder

Le vestibule d'un ancien chef de village de Madina Kouroulamini

 

Nous sommes un jeudi du mois de mars. Après la fin de la prière du Asr (celle de 16 heures) à la Grande mosquée de Madina Kouroulamini, un village situé dans la Région de Bougouni, les habitants se réunissent dans le vestibule familial ou «bulon» en bamanakan du patriarche Moussa Diawara pour assister à un mariage religieux.


Ce temple, bâti en banco et surmonté d’une toiture en tôle, est le siège du pouvoir du chef de village ou du patriarche. Il abrite les réunions, mais sert aussi de lieu d’accueil des visiteurs ou étrangers. Ce qui exprime toute la symbolique de l’hospitalité malienne. Le vestibule est donc chargé de symboles. Il est généralement conçu avec deux portes.

Dans le village de Koka (Région de Bougouni), le bruit d’un moulin tympanise le visiteur, mais atteste de la vitalité des lieux. Les constructions dont les toitures sont faites en tôle dominent celles en paille. Même le vestibule du chef de village, Alou Bagayoko, n’a pu résister au phénomène. Le vieillard âgé de plus de 80 ans explique que la rareté de la paille impose cette situation.


La voix enrouée par l’âge, l’octogénaire pense que dans sa localité, le vestibule a une architecture particulière. Et de préciser qu’il était généralement coiffé d’un toit en paille dont la crête portait une calebasse avec des rayures. «Le jour de la confection du toit en paille, les jeunes du village étaient mobilisés pour trouver la paille.


Ce processus cyclique intervenait chaque 7 ans», commente le vieillard. Alou Bagayoko estime que la présence du vestibule dans la famille permet aux membres de tenir les réunions dans un endroit unique. Ces rencontres peuvent porter sur des mariages et des réunions de famille ou pour trancher des situations litigieuses. À l’occasion de ces séances, relève-t-il,  seules les personnes les plus âgées sont habilitées à s’asseoir aux extrémités des portes d’accès du vestibule.

L’autorité traditionnelle indique que les contrevenants sont sanctionnés. «C’est le totem (gnama) du vestibule. Une personne qui connaît ce principe n’osera pas occuper cette place même si elle est vide», déclare-t-il, avant d’ajouter que dans certains cas, le coupable reçoit des coups de fouet pour manquer de respect aux aînés. Il a aussi tenu à préciser que la sanction est fonction des localités.


Madou Diawara, qui réside à Madina Kouroulamini, souligne que la sanction peut être très sévère et même coûter la vie au coupable. Le chasseur ne donne pas trop de détails sur cet aspect. Selon lui, il y a des villages qui établissent des règles de conduite dans le vestibule. Il cite l’exemple de Marala, un village dans le Cercle de Yanfolila où,  seul le gestionnaire du vestibule est autorisé à porter sa  chechia pendant la réunion à la fin de laquelle, chaque participant donne 25 Fcfa à l’hôte. Cependant, le quinquagénaire déplore le fait que beaucoup de nouvelles concessions dans le village ne sont plus dotées de vestibules. Il juge cela comme une perte de repère de la nouvelle génération.

Bakary Diarra, un habitant de Sadiè (Cercle de Bougouni), indique que pour la construction du vestibule du chef de village, la communauté égorge un mouton et accomplit des sacrifices. Il parle de la disparition du vestibule avec un pincement au cœur. Selon lui, les familles qui n’ont pas de vestibule sont obligées d’en construire lorsque l’un des membres devient le chef du village. 

 

Alliance avec les djins- David Coulibaly est gestionnaire du patrimoine à la Cellule d’appui à la décentralisation et la déconcentration chargée du patrimoine (CADD-culture). Il est également l’auteur d’un document intitulé «Boro» ou vestibule, élément essentiel de la culture bwa. Selon David Coulibaly, le vestibule est la deuxième maison après la hutte qu’un homme construit quand il s’installe sur un espace pour fonder un village.


 «Il est bâti après trois ans de négociation avec les propriétaires des lieux (djins)», raconte-t-il. Cela aboutit à un accord, dit-il, qui se matérialise par une alliance établie entre le  fondateur du village et les propriétaires des lieux. Cette alliance peut être basée sur l’offrande en animal. Avant d’indiquer qu’il y a trois types de vestibule à savoir : celui de la famille, du clan, et le vestibule du village qui est le siège du pouvoir.

Le gestionnaire du patrimoine explique que le vestibule est construit de concert avec tous les habitants. Certaines de ces bâtisses, dit-il, sont composées de compartiments servant de logement aux visiteurs qui séjournent pour une longue durée. «Dans le milieu des Coulibaly du Buwatun (pays des bwa), le vestibule des clans et le vestibule central (siège du pouvoir) sont tous unis sur la place publique», souligne l’agent du CADD-culture. Et de préciser que ce patrimoine est un bien identitaire pour toute communauté. Selon lui, il fait figure de bien culturel qui représente la communauté sur le plan culturel, social et juridique. «On discute de l’organisation des activités socio-culturelles du village dans le vestibule. Les décisions arrêtées sont exécutoires et ont valeur de loi et de décret pour gérer le village», dit-il.

David Coulibaly fait remarquer que la construction du vestibule fait l’objet de beaucoup de rituels, en conformité avec l’alliance établie avec les djins et le fondateur du village. Et d’indiquer que les rituels en fonction des communautés font allusion à la santé, au bonheur économique et financier, spirituel et sécuritaire. Il regrette que des villages refusent d’honorer ces engagements pour des raisons liées à l’appartenance à l’islam ou au christianisme.


Chaque village malien, lance-t-il, doit sauvegarder son vestibule ancestral pour préserver les valeurs cultuelles et les compétences architecturales de sa communauté. «Dans la culture Bwa, on construit le vestibule avec les briques traditionnelles confectionnées à la main sans utiliser le moule», cite-t-il en exemple, avant de préciser que le crépissage peut être annuel ou fait tous les trois ans. Selon le gestionnaire du patrimoine à la CADD-culture, ce travail donne lieu à des rituels consistant à immoler des poules avant de crépir le mur du vestibule.

La révalorisation des légitimités traditionnelles par les autorités de la Transition a donné un nouveau souffle à la sauvegarde des vestibules. Le gouvernorat de la Région de Bougouni a construit le vestibule moderne de la  chefferie traditionnelle sur une superficie de 750,31 mètres carrés. Le coût de l’infrastructure est estimé à 185 millions de Fcfa. Lors de son inauguration en janvier dernier, le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, le colonel Abdoulaye Maïga, a promis que ce bel exemple sera dupliqué dans toutes les localités du pays.  

Mohamed DIAWARA

Lire aussi : Région de Tombouctou : L'Armée neutralise plusieurs terroristes

Dans un communiqué datant de ce mardi 14 octobre 2025, l´État-major général des Armées a révélé le bilan des opérations du 13 octobre dernier dans la Région de Tombouctou..

Lire aussi : Journée internationale de prévention des catastrophes : Le Mali plaide pour un financement accru de la résilience

Le Mali a célébré, ce 13 octobre 2025, la Journée internationale pour la réduction des risques de catastrophes, placée sous le thème « Financer la résilience, pas les catastrophes ». À cette occasion, le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le Général de division Daoud .

Lire aussi : Farabougou : Le chef terroriste N’Dour neutralisé par les FAMa

Cette annonce a été faite ce lundi 13 octobre par l'État-major général des Armées à l'issue d'une opération menée le samedi 4 octobre dernier. Un autre coup de massue sur les forces du mal après les faits d'armes des FAMa et leurs alliés de l’AES en milieu de semaine dernière.

Lire aussi : Frappes aériennes à Inarabane : Plusieurs chefs terroristes neutralisés

Les frappes aériennes menées le 8 octobre 2025 dans le secteur d’Inarabane, Région de Ménaka, et ayant fait l’objet d’un communiqué le 9 octobre, ont été exécutées avec un remarquable succès et une grande précision, a annoncé ce samedi 11 octobre 2025 la Direction de l’informatio.

Lire aussi : Zone frontalière avec le Niger : Les FAMa détruisent des refuges terroristes

Hier vendredi 10 octobre, les vecteurs aériens des Forces armées maliennes (FAMa) ont encore engrangé des succès en détruisant des bases terroristes dans la zone frontalière avec le Niger..

Lire aussi : Région de Bougouni : Plusieurs terroristes neutralisés à Zantiebougou

Dans le cadre des opérations de sécurisation du territoire national, les Forces armées maliennes (FAMa) ont mené, dans la nuit du jeudi 9 au vendredi 10 octobre 2025, une intervention de grande envergure dans la zone de Zantiebougou, Région de Bougouni..

Les articles de l'auteur

Mali : Les ressortissants des USA soumis au paiement de la caution de visa

Le gouvernement malien réagit à la «décision unilatérale» des États-Unis d'Amérique d'imposer à ses citoyens à partir du 23 octobre 2025, le versement d'une caution de 5000 ou 10.000 dollars américains (plus de 2 millions ou environ 4 millions de Fcfa) pour l'obtention d'un visa d'affaires ou de tourisme de types B-1/B-2..

Par Mohamed DIAWARA


Publié dimanche 12 octobre 2025 à 11:10

Visa américain : Les Maliens soumis au paiement d'une caution

À compter du 23 octobre 2025, les ressortissants maliens jugés éligibles pour un visa américain B-1/B-2 (affaires ou tourisme) devront verser une caution allant de 5.000 à 10.000 dollars américains (environ 2,8 millions à 5,5 millions de Fcfa) avant la délivrance du visa..

Par Mohamed DIAWARA


Publié vendredi 10 octobre 2025 à 14:40

Mali: L'enseignement de la Révolution française de 1789 suspendu à l'école

La révolution française de 1789 ne fait plus partie des leçons d'histoire des classes de la 9è année. Cette décision de suspension a été prise le jeudi 9 octobre 2025 par le ministère de l'Éducation nationale.

Par Mohamed DIAWARA


Publié jeudi 09 octobre 2025 à 16:50

Mois de la solidarité et de la lutte contre l’exclusion : La 30è édition prône la diversité culturelle

Cet évènement a été initié en 1995, avant d’être institutionnalisé en 2001 pour soutenir et renforcer les valeurs de solidarité dont notre nation est dépositaire. Il est reparti en quatre semaines thématiques pour véhiculer des messages de solidarité, qui représente une vertu cardinale de notre pays, et réaliser des actions de bienfaisance.

Par Mohamed DIAWARA


Publié lundi 06 octobre 2025 à 07:53

Enseignement fondamental public : Le transfert des élèves est gratuit

La perception de frais de transfert d'élèves auprès des parents est illégale. Le directeur national de l’enseignement fondamental dit avoir été saisi quant à cette situation préoccupante..

Par Mohamed DIAWARA


Publié samedi 04 octobre 2025 à 18:55

École catholique de Bamako : C’est reparti, mais sur de nouvelles bases

Certains de nos compatriotes semblent s’être fait une spécialité de dramatiser les choses. Certes, l’arrêt des subventions de l’État est une réalité qui a été déjà ressentie avec le licenciement de certains maitres qui émargeaient sur ces fonds, mais les oiseaux de mauvaise augure prédisaient plutôt le cataclysme voire la fin de l’enseignement catholique..

Par Mohamed DIAWARA


Publié vendredi 03 octobre 2025 à 07:37

Trois visiteurs de marque au groupe scolaire Kalaban-Coura Nord

Il est 7 heures 35 minutes au Groupe scolaire Kalaban-coura Nord en Commune V du District de Bamako. La journée de ce mercredi 1er octobre ne ressemble pas aux autres..

Par Mohamed DIAWARA


Publié jeudi 02 octobre 2025 à 13:06

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner