Livre et lecture : Le faux procès fait aux maliens

Certains acteurs du livre estiment que nos compatriotes lisent. Surtout quand on leur propose des ouvrages intéressants

Publié jeudi 13 mars 2025 à 07:36
Livre et lecture : Le faux procès fait aux maliens

La bibliothèque nationale reçoit une moyenne journalière de 150 à 300 lecteurs

 

  

Il est très fréquent d’entendre dire que les Maliens ne lisent pas. Une affirmation infondée, répliquent des acteurs du livre qui ajoutent qu’elle ne repose sur aucune statistique. Le directeur national des bibliothèques et de la documentation, Amadou Bekaye Sidibé, estime qu’on est en train de faire un faux procès à nos compatriotes. «Les gens lisent», soutient-il, avant d’expliquer que «lire doit aussi être compris de plusieurs façons. Est-ce lire c’est venir à la bibliothèque prendre un livre et le lire ? Ou bien c’est prendre son téléphone ou son ordinateur pour lire un texte ? C’est quoi lire d’ailleurs ? Est-ce qu’il s’agit de lire un livre ou de lire une information tout simplement ?» Selon des chiffres fournis par le directeur des bibliothèques et de la documentation, la production livresque annuelle au Mali est estimée à pas moins de 200 livres pour une population dont 31% seulement savent lire et écrire.

Il ajoute recevoir à peu près 35.000 lecteurs par an, rien qu’à la bibliothèque nationale, avec une moyenne journalière de 150 à 300 lecteurs selon les périodes dont le pic est la période des examens scolaires et universitaires. À en croire Amadou Bekaye Sidibé, le faux procès fait au livre soulève trois questions à savoir : «Qu’est-ce qu’on propose à lire ? À qui on propose à lire ? Et où est-ce qu’on propose à lire ?» Il explique que les férus de la lecture sont très friands des ouvrages intéressants. Illustrant ses propos, il révèle que le cas le plus récent était le livre de Franklin Nyamsi «L’impérial terrorisme» qui a été lancé au Mémorial Modibo Keïta en février dernier. «Lors de la cérémonie du lancement, 40 à 50% de l’assistance ont acheté le livre. Ça a été le cas avec le récent livre de Yamoussa Camara intitulé : «Présumé coupable», etc. Ce sont des livres qui ont été beaucoup lus par les Maliens. Ce sont des exemples qui montrent que le Malien lit quand on lui offre ce qui l’intéresse», a-t-il fait savoir.  


Malgré l’intérêt des Maliens pour le livre et la lecture qu’il vante, le directeur national des bibliothèques et de la documentation note avec beaucoup de regret que jusqu’à présent le livre n’est pas perçu à sa juste valeur non seulement par les enseignants, mais également par l’administration scolaire. «Beaucoup d’écoles sont créées sans qu’on ne prévoit la bibliothèque. Dans certains cas, on aménage une salle de classe pour en faire une bibliothèque. Ce n’est pas la façon de faire. Chaque domaine à ses règles, ses principes. Quand on parle d’une bibliothèque, c’est avec les configurations qu’il faut», dénonce-t-il tout en rappelant au passage que le Mali compte actuellement 246 bibliothèques.

Autre entrave à la promotion du livre et de la lecture, c’est la question du financement. «Dans les années 2007-2008, on avait 50 millions de Fcfa pour acheter des livres, actuellement on a 10 millions de Fcfa pour le même besoin. Ça dépend souvent des décisions politiques». Malgré ce faible apport financier, le directeur des bibliothèques et de la doucementation plaide aussi pour une amélioration de la culture de perception et d’habitude, car, a-t-il fait remarquer, tu verras rarement quelqu’un offrir un livre à son enfant comme cadeau d’anniversaire ou pendant d’autres fêtes.

 Au-delà de toutes ces remarques, Amadou Bekaye Sidibé soutient que tout n’est pas mauvais chez nous et que le Mali n’est pas parmi les derniers dans le domaine du livre et de la lecture. «On a beaucoup fait et on est apprécié dans la sous-région». Afin de pouvoir maintenir le cap et de faire mieux, le directeur des bibliothèques et de la documentation préconise la fourniture constante des bibliothèques comme c’était le cas par le passé : «À partir des années 70, on a créé des bibliothèques un peu partout. Ce qui a été le problème, c’est la continuation de la dotation de ces bibliothèques en livres. La bibliothèque doit être alimentée chaque année, chaque fois qu’il y a un nouveau livre, il faut l’acheter et non attendre tous les 5 ans. Tant que cela n’est pas fait, on n’est pas une bibliothèque, mais plutôt un dépôt de documents.»

à l’issue d’un état des lieux du secteur, Amadou Bekaye Sidibé a fait savoir qu’un projet d’envergure est en gestation. «On est en train de faire passer la Politique nationale du livre et de la lecture. Le document a été validé en mars 2023. Ça devait aller en Conseil des ministres, mais il y a quelques difficultés encore», explique-t-il. En évoquant le contenu dudit document, le directeur national des bibliothèques et de la documentation révèle que pratiquement tous les aspects sont pris en compte à savoir comment aider les éditeurs pour qu’ils fassent plus de livres, comment aider les libraires pour qu’ils vendent plus de livres et qu’ils ne restent pas concentrés sur Bamako seul, comment aider les auteurs pour qu’ils écrivent plus, comment encourager à créer des bibliothèques un peu partout, les manifestations autour du livre pour que le livre soit beaucoup plus vu partout dans le pays, etc.

 

LE LIVRE PAPIER EST INSUBMERSIBLE- Étalé sur cinq ans, le projet devra coûter près de 20 milliards de Fcfa. «Quand cette politique sera adoptée, on espère que le Mali va faire un pas géant dans le développement du livre et de la lecture. C’est un projet auquel nous tenons beaucoup avec le département de la Culture pour qu’on puisse améliorer le niveau», espère le directeur national des bibliothèques et de la documentation. Certains s’interrogent sur l’avenir du livre papier. Ils cherchent à savoir si le  livre numérique ne sonne-t-il le glas de la version papier ?

 Avec l’émergence de la version numérique du livre, beaucoup de personnes se précipitent déjà à annoncer la mort de la version physique des ouvrages. Malgré le pessimisme de ces cassandres, des acteurs avertis du domaine estiment que les deux versions sont complémentaires et peuvent faire bon ménage. Mieux, ils indiquent que le livre numérique a encore du chemin pour pouvoir supplanter le livre papier. Autrement dit le livre papier est insubmersible. 
«C’est parole de profane de dire que la bibliothèque numérique vient sonner le glas de la bibliothèque papier. Que ça soit en Allemagne, en France ou encore aux Etats-Unis, l’édition numérique n’atteint jamais les 15% de l’édition totale.


Donc, ça veut dire que 85% de l’édition sont en version papier. En plus de ça, les gens pensent qu’on a tout sur Internet. Ça c’est faux. On n’a pas tout sur le Net. Et tout ce qui est en version papier n’est pas numérisé d’abord dans sa totalité, parce qu’il y a le droit d’auteur qu’il faut respecter. Les auteurs ont besoin de vivre de leurs œuvres et ils ne vont pas laisser gratuitement leurs œuvres sur le Net. Et dernièrement, tout n’est pas accessible gratuitement sur Internet. Ça veut dire qu’il faut payer », a fait remarquer Amadou Bakaye Sidibé qui dit apprécier l’apport du numérique dans la mesure où, dit-il, ça diversifie l’offre et permet à des utilisateurs qui ne sont pas sur place d’accéder à l’information, d’exploiter des documents souvent à moindre coût, sinon gratuitement. Selon lui, c’est un outil à exploiter à fond, mais ça ne veut pas dire que les autres outils à savoir la version papier doivent être écartés.

 

FIXER UN OBJET- La question qui taraude les esprits est de savoir si lire à partir des écrans peut avoir des conséquences sur la santé oculaire ? Avec l’apparition d’ouvrages numériques et la prolifération de Smartphones, la lecture se fait désormais de plus en plus à partir des écrans à tel point qu’on s’interroge sur les éventuelles conséquences et la pratique sur les yeux. Selon des spécialistes de la santé oculaire, la lecture sur l'écran en elle-même ne constitue pas un danger pour nos yeux, mais ce sont plutôt la lumière bleue vive de l'écran et la fixation trop prolongée du regard qui sont nocifs pour le système visuel. Médecin ophtalmologiste, Modibo Diarra explique qu’il existe 2 types de danger des écrans pour nos yeux. Il s’agit de la toxicité de la lumière bleue pour la rétine.


Amadou Bekaye Sidibé, directeur national des bibliothèques et de la documentation

 


Dans ce cas, la lumière bleue à haute énergie visible impacte négativement par sa photo-toxicité sur les cellules visuelles au niveau de la rétine, car elle n'est pas suffisamment filtrée par cristallin. «Lorsque ces cellules visuelles de la rétine sont soumises de façon abondante et prolongée à la lumière bleue, elles subissent des lésions dites photochimiques pouvant à la longue engendrer ou favoriser certains troubles visuels». 

En ce qui concerne la fixation prolongée des écrans, Dr Diarra dira que la mobilité des yeux et la sollicitation des muscles de l’accommodation sont indispensables au maintien de la bonne santé visuelle. «Lorsque le regard reste bloqué sur un écran; surtout à une courte distance, les muscles oculaires maintiennent un effort constant et statique ce qui peut entraîner des fatigues visuelles, des maux de tête des flous visuels souvent.

Dans cette posture statique, les paupières ne permettent plus une hydratation suffisante du globe oculaire, car elles clignent peu, ce qui peut entraîner une sécheresse oculaire se manifestant par des picotements, brûlures, l'armoiements et les sensations de l'œil sec...  Donc, il faut que les yeux bougent et clignent suffisamment lors de l'utilisation des écrans.», a-t-il expliqué. Selon le toubib, pour une lecture sans danger pour les yeux à partir des écrans, il est recommandé, en fonction des tranches d’âge, un temps d’utilisation de 4h30 en moyenne par jour chez un adulte et à ne pas dépasser 2h chez l'enfant de moins de 12 ans.  En outre, il est recommandé de respecter la distance normale des écrans de 50 à 70 cm en vision rapprochée et cela en fonction de la taille des écrans et de 5 à 6m en vision de loin, ajoutera-t-il.

également assistant optométriste, Dr Modibo Diarra conseille d’observer des pauses visuelles à intervalles réguliers (1 pause chaque 20mn pendant 20s en fixant un objet éloigné à 20 pieds, c’est-à-dire à 6m), cligner fréquemment et régulièrement devant un écran pour une lubrification suffisante des yeux. «La hauteur de l'écran doit être bien ajustée à la hauteur des yeux donc la tête bien droite. On peut également se mettre à l'abri des reflets parasites de la lumière en utilisant des verres antireflets…», a-t-il conclu.

Une maison d’édition de livres contactée par nos soins n’a pas daigné répondre à notre sollicitation.

Alassane CISSOUMA

Rédaction Lessor

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