De gauche à droite: Assana Diawara, Dr Aboubacar Abdoulwahidou Maïga et Mohamed Kanouté
«Avant, au cours de nos grands reportages à l’étranger, on envoyait nos articles par fax et ce n’était pas évident qu’ils soient retranscrits le même jour et publiés le lendemain. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, grâce à la magie de l’Internet. Une rédaction au Mali peut suivre en temps réel un événement à l’autre bout du monde». Ce témoignage de Bakary Camara, directeur de publication du journal Phoenix, illustre la profonde transformation du paysage médiatique en ce 21è siècle. Cette célérité dans le traitement de l’information, favorisée par le numérique, n’est cependant qu’un aspect de l’évolution en cours. En effet, aujourd’hui, le secteur connaît une diversification inédite des canaux de transmission de l’information, portée par le développement du numérique qui a rendu facile la création de contenus et l’émergence de nouveaux acteurs.
Selon le rapport 2021 de Reporters sans frontière (RSF), le paysage médiatique malien est passé en trois décennies, de quelques titres à plus de 235 journaux privés indépendants dont une soixantaine en ligne. À cela, s’ajoutent près de 500 radios et des dizaines de télévisions. Sans compter les plateformes numériques. Cette expansion a profondément modifié les habitudes des consommateurs de l’information. Une étude sur l’impact des réseaux de Khalid Dembélé de l’Université des sciences sociales et de gestion de Bamako, pointe que même si la radio demeure le média le plus accessible; notamment en zones rurales, l’information circule désormais en temps réel dans les mains des citoyens via Facebook, WhatsApp, YouTube ou les web Tv qui constituent les supports les plus utilisés par les usagers.
Pour Aboubacar A. Maïga, directeur de l’École supérieure de journalisme et des sciences de la communication (ESLSC), les médias numériques privés jouent un rôle central dans la diversification de l’information, mais la mutation qui les caractérise, présente un double visage. «Les médias numériques privés ont certes permis une diversification des angles, des formats et des sujets abordant des problématiques variées et donnant la parole à des acteurs longtemps ignorés par les médias classiques, elles ont aussi révélé un manque de contrôle et une dilution des normes professionnelles», analyse-t-il. Selon lui, le véritable enjeu réside dans le fait qu’on assiste à des pratiques qui s’écartent parfois des standards journalistiques. En définitif, explique-t-il, on peut constater que l’explosion des médias numériques et privés au Mali apparaît aujourd’hui comme un phénomène marquant de l’espace public.
Pour en comprendre l’origine, l’ancien conseiller technique au ministère en charge de la Communication, Assana Diawara, renvoie au rôle déterminant de la révolution démocratique au Mali à partir de 1991 qui a consacré la libéralisation de l’espace médiatique et favorisé la création des premiers organes privés. Avec cette ouverture, souligne-t-il, la presse malienne a été animée aux premières heures par des journalistes autodidactes souvent dépourvus de formation spécifique en journalisme mais qui ont néanmoins écrit les belles pages de l’histoire des médias au Mali.
Aujourd’hui, poursuit-il, l’espace informationnel est habité non seulement par des professionnels mais aussi des acteurs qui sont étrangers au métier tels que les influenceurs et vidéastes. Il ajoute que cette pratique favorisée par l’influence d’acteurs politiques et économiques en quête de visibilité, n’est pas sans conséquence sur la vie publique. En principes, décrit-il, les médias, quelle que soit leur nature, jouent un rôle crucial dans un État de droit.
Assana Diawara estime en revanche que dans un contexte de transition comme celui du Mali, les médias doivent servir d’espace d’apaisement plutôt que d’amplificateurs de tensions. Il prend pour exemple, l’initiative récente prise par plusieurs acteurs de la presse pour contrer la campagne de manipulation annonçant une prétendue chute imminente de Bamako entre les mains des terroristes.
Ce qui illustre, à son avis, le poids stratégique des médias dans l’apaisement social afin de ne pas envenimer la situation de crise. Dans son tout premier rapport paru en avril 2025, l’Union des journalistes reporters du Mali (UJRM) révèle que le désordre lié aux multiples dérives dans la presse relève sans doute de la fragilité des modèles économiques des médias dans un contexte où la publicité se raréfie et où les abonnements peinent à suivre. Ce rapport indique que 52% des journalistes du privé touchent moins de 40.000 Fcfa par mois.
UNE RÉGULATION EN DÉPHASAGE– L’absence ou parfois le non respect des textes règlementaires accentue les défis dans le paysage médiatique malien. Pour Assana Diawara, le coté négatif dans la transformation des médias aujourd’hui, réside dans le non respect des textes même si ceux-ci restent incomplets vis-à-vis de l’évolution numérique. Au début de l’ouverture de l’espace médiatique, rappelle-t-il, l’État a tenté avec des fortunes diverses d’accompagner le processus de libéralisation. Les premiers textes en la matière sont apparus en 1992 avec une volonté d’assurer une régulation indépendante de l’État à travers la création du Comité national de l’égal accès aux médias d’État par une loi organique et du Conseil supérieur de la communication.
À partir de 2012, une série de lois et de décrets vient moderniser le cadre juridique, notamment la loi sur les services privés de communication audiovisuelle et l’ordonnance créant la Haute autorité de la communication (HAC). Malgré cette architecture juridique, le juriste trouve que le numérique évolue tellement vite que le droit peine à suivre. D’où la nécessité, selon le juriste, d’opérer une réforme ambitieuse pour revisiter les textes et intégrer les réalités.
C’est précisément ce défi que tente de relever aujourd’hui la Hac. Mohamed Kanouté, membre et rapporteur général de l’Organe de régulation, reconnaît que les textes actuels ne donnent pas à la Hac suffisamment d’outils pour réguler directement les médias numériques et les influenceurs. La loi de 2019 sur la cybercriminalité constitue, selon lui, l’un des rares instruments pour sanctionner la diffamation, les fausses informations ou les atteintes à l’honneur en ligne. Pour combler ce vide juridique, Mohamed Kanouté indique que la Hac, consciente de l’impact grandissant du numérique, n’est pas restée passive.
Elle a initié des concertations avec les professionnels et propose une réforme visant à intégrer les médias en ligne, à encadrer les réseaux sociaux et à soumettre les influenceurs les plus suivis (à partir de 15.000 abonnés) aux obligations minimales de respect des textes. L’objectif, précise le régulateur, est d’instaurer une responsabilité accrue et un socle commun de règles pour préserver l’intégrité de l’information.
La Hac développe également des initiatives pour renforcer les capacités professionnelles et promouvoir l’auto régulation en vue de mettre en place un véritable tribunal des paires. Elle s’emploie aujourd’hui à faire adopter par le gouvernement les projets de textes qui encadrent l’écosystème des médias.
Lougaye ALMOULOUD
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