
L’épopée commence en 2012, lors de l’occupation des régions du Nord du Mali par des groupes armés terroristes. L’insécurité aidant, ce chef de famille de 58 ans s’est vu contraint de partir. Laissant tout derrière lui pour sauver sa vie et celle de sa famille. C’est ainsi qu’il jette son dévolu sur Yola, un petit village situé à environ 5 kilomètres de la ville de Fana, dans la Région de Dioila. Touareg bon teint et d’une allure chétive, grand comme deux pommes, le sourire figé aux lèvres, une paire de lunettes sur le nez, Adourahmane Ag Adoul Salam, alias Abdou, est un personnage agréable et atypique qui parle couramment bamanan, sonhraï, peulh, français et tamashek naturellement.
Sous un temps ensoleillé avec beaucoup de vent ce matin-là, il nous accueille dans sa ferme agricole de Yola. L’infrastructure de production agricole est bâtie sur un espace de 3 hectares dont un hectare réservé au maraîchage, le petit élevage, l’agroforesterie et la transformation de quelques fruits sur place. Les deux autres hectares sont dédiés à la culture des céréales et des légumineuses pendant l’hivernage.
Polyvalent et ingénieux, cet ancien des Organisations non gouvernementales internationales au Mali a tout construit lui-même sur place. De son bâtiment de résidence aux installations solaires, en passant par la construction des maisons d’hôtes, des toilettes sèches pour faire de la fumure organique, l’installation du système d’alimentation de la ferme en eau et plusieurs équipements. Un détour dans l’atelier de travail et le visiteur du jour est impressionné par ce qu’il découvre. Sous un hangar se trouve le matériel et le dispositif nécessaire pour la soudure métallique, l’électricité, la menuiserie, la plomberie, etc.
À portée de main se trouve le kiosque métallique qui sert de magasin où sont disposés tous les outils et matériels nécessaires aux travaux. Une sorte de «caverne d’Ali Baba». En somme, celui qui s’était mué en promoteur d’un campement touristique dans la ville de Tombouctou (il y résidait avant de s’installer à Yola) a créé un système d’économie circulaire où tout se produit, se consomme et se transforme sur place.
Mais comment est-il arrivé là ? Le parcours a été long et plein d’embûches. «Il m’a fallu du courage et de l’abnégation pour arriver là où je suis aujourd'hui», répond Abdou. Fort de son réseau d’amis parmi lesquels le Réseau agroécologique de producteurs et consommateurs (Resapac) et d’autres organisations qui œuvrent dans le domaine de l’agroécologie, notre fermier, avec son apport personnel aussi bien en nature que financier, a lancé son entreprise, il y a moins d’une décennie.
Après avoir sécurisé l’espace, il s’attaque à la construction de son habitat d’abord. Ensuite, il passe à l’aménagement de l’espace en un périmètre maraîcher. Tout autour, il a planté des arbres fruitiers de plusieurs espèces, constituant une haie vive. Grâce à un système d’adduction d’eau alimenté par un forage et des équipements de rétention d’eau, le liquide précieux coule à flot, en offrant des conditions idéales pour la production en toutes saisons. Ce qui permet à notre fermier de produire en continu des légumes frais «Bio» comme la tomate cérise, la tomate ordinaire, le chou, la laitue, la carotte, la pomme de terre, la courgette, le navet, l’oignon, le piment, etc.
L’autosuffisance alimentaire d’abord- De ces produits se nourrissent les occupants de la ferme. Deux couples d’employés avec leurs enfants et le propriétaire des lieux y vivent. Dans une approche pédagogique, Abdou apprend à ses employés comment vivre de la terre dignement, tout en ayant une bonne santé, en consommant ce que l’on produit soi-même sans produits chimiques.
La leçon semble bien assimilée par Jacques, un occupant des lieux. Arrosoir en main, il serpente entre les planches de légumes qu’il vient de semer. Interrogé sur son activité, l’homme déclare fièrement avoir changé de vie depuis qu’il a commencé à vivre dans cette ferme. «Au début, j’étais un saisonnier chez Abdou. Je venais travailler quand il avait besoin de mes services. Un jour, je lui ai dit que je voulais partir au «Ndama», nom donné au site d’orpaillage artisanal en Bamanan. Abdou m’a dissuadé en me proposant de venir travailler dans sa ferme, en m’installant ici avec ma femme et mes enfants», raconte notre interlocuteur. «Il a fini par me donner un espace que j’exploite moi-même et il me rachète toute ma production et la revend sur le marché», souligne-t-il.
Ce système a permis à Jacques de pouvoir nourrir sa famille et générer des revenus financiers grâce à la vente de ses produits garantis par la demande de son désormais partenaire. Au plan sanitaire, il a vu sa facture considérablement au rabais, car il mange sain et vit dans un environnement moins pollué. Ceci m’assure une bonne hygiène de vie, se réjouit l’apprenti fermier.
Les habitants de Yola sont des agriculteurs par excellence, estime Abdou. Mais, regrette-il, l’exode rural est en train de vider la contrée de ses bras valides. Il explique cette situation par la perte de confiance des jeunes en eux et en la terre. C’est pourquoi, selon lui, il y a un devoir de génération.
Il consiste à convaincre par des actes concrets que le retour à la terre est la seule alternative viable pour un monde meilleur, définit le paysan modèle. Dans l’avenir, Abdou projette de transformer sa ferme agricole en un lieu de formation, de recherches et d’expérimentation dans les métiers de l’agroécologie et de l’emploi vert.
Un modèle à suivre- À l’image d’Abdou, nous avons rencontré M. Dembélé, un administrateur civil à la retraite, qui est aussi tombé sous le charme de Yola et a été inspiré par l’expérience du «fermier de Yola». À l’en croire, c’est l’exemple d’audace et de courage donné par Abdou qui l’a motivé à venir s’installer dans ce village pour pratiquer la même activité que lui. C’est un modèle à suivre, renchérit le voisin séduit.
Après des années d’efforts et de persévérance, la mayonnaise prend peu à peu. Pour preuve, aujourd’hui, la ferme Yola se positionne comme leader des produits agricoles «Bio» sur le marché local. À plus de 100 kilomètres de Bamako, elle fournit ses consommateurs sur place. «Ces petites ventes me permettent de survivre financièrement en supportant les charges d’exploitation et les salaires de mes employés», se satisfait le producteur.
L’ambition pour lui dans l’avenir, c’est de vulgariser et valoriser la pratique de l’agriculture biologique au Mali en favorisant l’émergence de l’emploi vert. Cela passe par la formation, la recherche et l’appui institutionnel des pouvoirs publics pour encourager les pratiques de l’agriculture biologique dans nos systèmes de production.
Dans ce combat, Abdou est soutenu par plusieurs consommateurs de produits «Bio», comme Mme Diakité Fabienne Groengens, une résidente de Bamako. Cette dernière ne tarit pas d’éloges pour notre fermier. Selon elle, c’est un révolutionnaire d’un autre genre, «celui du bien-être humain, tout court». Elle est une férue des produits de la ferme Yola qu’elle était justement venue déguster à notre rencontre, à la tombée de la nuit.
Ainsi se résume la vie dans le «poumon vert» de cette bourgade tranquille. Loin du bruit de la grande ville, on est réveillé le matin par le chant du coq et on se couche le soir, sous les aboiements des chiens et les braiements des ânes. Dans un noir silencieux, les étoiles brillent dans le ciel. Les jours passent et se ressemblent.
Envoyé spécial
Cheick Amadou DIA
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