Finances publiques : L’État perd 1.266 milliards de Fcfa entre 2005 à 2019

Le constat en a été fait par l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite. Plusieurs dossiers sont devant la justice et des condamnations commencent à tomber. D’après un économiste gestionnaire financier et un sociologue que nous avons rapprochés, le problème est plus profond qu’il faut des mesures fortes pour y remédier en impliquant gouvernants et gouvernés

Publié mardi 05 novembre 2024 à 20:42
Finances publiques : L’État perd 1.266 milliards de Fcfa entre 2005 à 2019

La lutte contre la corruption est un défi complexe


Dans une étude faite sur la problématique des finances publiques au Mali, l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (Oclei) renseigne que de 2005 à 2019, notre pays a perdu la somme de 1.266 milliards de Fcfa, révélés par les contrôles externes mais que les internes ont laissé passer. Cette somme est l’équivalent de 264 hôpitaux comme l’Hôpital du Mali, 1.767 Centres de santé de référence comme celui de Diéma ou même 42 fois le 3è pont de Bamako. Cette déclaration émane du représentant du président de l’Oclei, Seidina Oumar Diarra, qui animait une conférence-débat sur le thème «Protection des lanceurs d’alerte au Mali».

Face à la persistance de ces détournements mirobolants, l’État a pris le problème à bras le corps avec la tenue des sessions spéciales dédiées aux crimes économiques et financiers. Plusieurs dossiers ont déjà été jugés à la Cour d’appel de Bamako.

Parmi les dossiers des crimes économiques et financiers traités par la justice ou qui sont encore pendants, on peut retenir l’affaire Bakary Togola, ancien président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (Apcam) et d’autres collaborateurs et portant sur le détournement de plus de 9 milliards de Fcfa sur un montant total estimé à plus de 13 milliards de Fcfa au préjudice de la Confédération des sociétés coopératives de producteurs de coton du Mali (C-SCPS), courant la période allant de 2013 à 2019.

 Un autre dossier phare concerne «l’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires». Il est reproché à plusieurs personnalités civiles et militaires des détournements massifs de fonds publics portant sur plus de 56 milliards de Fcfa sur un montant total évalué à près de 90 milliards de Fcfa, entre 2013 et 2014.

Il y a également le dossier de la mairie de Sitakily (Cercle de Kénieba) impliquant une quinzaine d’accusés parmi lesquels le maire Alfousseyni Sissoko. Des entrepreneurs sont aussi dans le lot des accusés pour «atteinte aux biens publics, fractionnement de marchés publics, délit de favoritisme et complicité». Dans cette affaire, il est reproché aux inculpés, un détournement de plus de 2,5 milliards de Fcfa courant l’année 2019.

Ces différentes affaires étaient au rôle de la session spéciale sur les crimes économiques et financiers de la Cour d’assises de Bamako, tenue du 1er juillet au 15 octobre dernier. Cette session est intervenue dans un contexte de renforcement de la lutte contre la corruption dans notre pays. Lors de l’ouverture de cette session, le procureur général près de la Cour d’appel de Bamako, Hamadoun dit Balobo Guindo, a insisté sur l’importance de l’engagement des magistrats dans cette lutte, soulignant que «seule une justice rigoureuse et impartiale» permettra de restaurer la confiance des citoyens dans les institutions.

 Les enquêtes menées par le Bureau du Vérificateur général et la section des comptes de la Cour suprême ont également mis en lumière l’ampleur de la fraude et de la corruption. Les sessions d’assises permettront à cet effet, de juger ces affaires et de sanctionner les responsables. Une session largement souhaitée lors des Assises nationale de la refondation (ANR) pour lutter contre la corruption afin de remplir les caisses de notre pays. Ces énormes sommes détournées des caisses de l’État ne pouvaient-elles pas contribuer au développement du pays ?

MANQUE DE TRANSPARENCE- Selon les estimations de la Banque mondiale, 1.000 à 2.000 milliards de dollars sont détournés dans le monde à cause de la corruption affectant tous les pays et toutes les couches sociales. Il est à noter que le manque de transparence dans la gestion quotidienne des affaires publiques et privées constitue l’une des causes majeures de la corruption. De l’avis de l’économiste gestionnaire financier Modibo Mao Makalou, les gouvernements devraient rendre publique les informations sur les budgets, les contrats publics et la répartition des ressources pour éviter les tendances à la fraude et à la corruption.

Selon lui, la lutte contre la corruption doit donc aller de pair avec le renforcement de l’État de droit et de la bonne gouvernance ainsi qu’avec l’établissement d’institutions solides animées par des personnes compétentes et intègres. «Des campagnes de sensibilisation doivent être organisées dans les secteurs public et privé, dans les médias, pour informer les citoyens sur les conséquences néfastes de la corruption. Aussi, la lutte contre l'impunité sera une arme dissuasive», avance-t-il.

L’économiste indique que la corruption freine la croissance économique, nuit à l’État de droit et entraîne un gaspillage des ressources humaines, financières et matérielles. «Lorsque la corruption est omniprésente, les entreprises hésitent à investir face au coût nettement plus élevé de l’activité économique et l’investissement public devient défaillant ou inexistant», analyse-t-il, ajoutant que la lutte contre la corruption au Mali est un défi majeur qui nécessite une attention constante et des efforts soutenus.

Pour relever ce défi, Modibo Mao Makalou explique qu’il est essentiel de mettre en place des mécanismes de prévention, de détection et de répression efficaces. Cela, poursuit-il, implique d’améliorer la transparence dans la gestion des ressources publiques, de renforcer les institutions chargées de lutter contre la corruption et d’encourager une culture d’intégrité au sein de notre société mais aussi d’améliorer les salaires et les traitements des fonctionnaires.

«Les défis auxquels le Mali est confronté dans sa lutte contre la corruption sont nombreux. Tout d’abord, il existe une culture de l’impunité qui rend difficile la poursuite des responsables de ces actes répréhensibles. De plus, les mécanismes de contrôle et de surveillance sont souvent faibles ou inefficaces, ce qui permet à la corruption de prospérer», insiste le gestionnaire financier. Malgré les défis auxquels elle fait face, la lutte contre la corruption au Mali offre également des perspectives encourageantes. Modibo Mao Makalou soutient qu’en investissant dans l’éducation civique et dans la promotion d’un comportement éthique, le changement des mentalités sera  possible.

De plus en plus d’initiatives visant à promouvoir l’intégrité et l’éthique sont mises en place par divers acteurs nationaux et internationaux. Ces initiatives incluent des programmes de renforcement des capacités pour les fonctionnaires chargés du contrôle financier ainsi que des campagnes de sensibilisation à grande échelle. D’ou l’élaboration d’une Stratégie nationale de lutte contre la corruption articulée autour de quatre axes stratégiques à savoir, la gouvernance et les réformes, la prévention des faits de corruption, la répression et la réparation, et la communication. Elle est mise en œuvre à travers des plans d’actions dont le premier couvre la période 2023-2027. Cette stratégie est financée par l’État et ses partenaires à hauteur de plus de 6,7 milliards Fcfa. La lutte contre la corruption au Mali est un défi complexe mais pas insurmontable.

DÉFICIT DE L’APPAREIL JUDICIAIRE- Parmi les facteurs qui sous-tendent le sous-développement au Mali, Dr Aly Tounkara, sociologue, cite la corruption qui apparaît comme le facteur le plus déterminant. Selon le chercheur Tounkara, le déficit de l’appareil judiciaire, les insuffisances des hôpitaux, les difficultés pour asseoir un maillage sécuritaire adéquat du territoire, la qualité peu enviable du système éducatif ont pour dénominateur commun les pratiques corruptives, d’où l’importance à la fois pour l’élite au pouvoir, de chercher à réduire de manière drastique ces parties corruptives tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Pour ce faire, indique-t-il, l’État devrait continuer à consentir davantage d’efforts dans la prévention de ces pratiques corruptives. Mais, une fois qu’elles sont effectives, insiste-t-il, des sanctions exemplaires doivent être infligées à l’encontre des auteurs.

Pour Dr Tounkara, jusqu’à une preuve récente, l’impression qui est donnée dans la lutte contre la corruption, c’est l’impunité, le clientélisme, c’est un jugement à géométrie variable. «Ces éléments doivent être le cheval de bataille pour l’élite militaire au pouvoir afin de redorer l’image du pays. Ils doivent aussi permettre à un nombre important de nos compatriotes d’espérer et d’avoir accès à des soins de santé, de bénéficier d’un système d’éducation de qualité et de permettre à certaines personnes de pouvoir se mouvoir d’un point A à un point B», suggère le sociologue.

Fadi CISSE

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