Cour d’assises : Et le doute profita aux accusés

Ils étaient englués dans une histoire de morcellement de parcelles dans leur commune. Faute de preuves suffisantes, ils ont été purement et simplement acquittés

Publié jeudi 23 janvier 2025 à 11:20
Cour d’assises : Et le doute profita aux accusés

Les nommés K. Coulibaly, B. Samaké, respectivement préfet et maire de la Commune rurale de Macina et B. Sidiki Haïdara, chef de la subdivision de l’urbanisme et de l’habitat de la même localité ont été jugés lors de la dernière session consacrée aux crimes économiques et financiers à la Cour d’appel de Bamako. Ce trio était accusé d’«atteinte aux biens publics, faux et usage de faux et complicité». Le 13 juin 2019, un collectif de conseillers municipaux de la Commune rurale de Macina, avec à sa tête un certain M. Camara, a saisi le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la Commune III du District de Bamako, en charge du Pôle économique et financier, d’une lettre de dénonciation des faits de malversations financières et foncières contre K. Coulibaly (préfet) et B Samaké (maire).

Dans leur missive, ils exposaient que les susnommés ont irrégulièrement morcelé un site destiné à servir de réserve foncière et d’espace vert dans le quartier de Nèmabougou, conformément au schéma directeur d’urbanisme de la ville de Macina. Ils  poursuivent que les deux  autorités visées dans leur dénonciation se sont également partagées les lots issus de cette «opération frauduleuse de morcellement» avec la complicité des nommés B. S. Haïdara et I. Sidibé, respectivement chef de subdivision de l’urbanisme et de l’habitat et régisseur des recettes à la mairie de la ville.

 

Pratiques spéculatives confirmées- Sur la base de ces renseignements, une mission de l’inspection des domaines et des affaires foncières a mené une enquête. Elle sera suivie des enquêteurs de la brigade du Pôle économique et financier. Tout ceci a  permis de conclure à l’existence de pratiques spéculatives.

En effet, les enquêtes ont permis d’établir que le préfet du cercle et le maire de la Commune rurale de Macina, ont procédé à un morcellement sur des terres, propriété exclusive de l’état, mais qui n’ont pas été affectées à la mairie. Les deux autorités auraient pourtant établi des permis d’occuper ainsi que des lettres d’attribution en sachant bien que le lotissement ne respectait pas les dispositions légales en vigueur en la matière. à l’issue du procès-verbal du 29 janvier 2020, une information judiciaire a donc été ouverte à l’encontre des susnommés, les incriminant ainsi des infractions ci-dessus citées.

Cependant durant toute la procédure, le nommé I. Sidibé (régisseur) inculpé pour  des faits de « complicité de faux en écriture et d’atteinte aux biens publics » a clamé son innocence. Il s’est défendu, expliquant  s’être renseigné sur la validité ou non  des permis d’occuper sur instruction du maire communal, son  chef hiérarchique qui les aurait d’ailleurs signés. Ainsi, l’information judiciaire n’a pu révéler la moindre charge allant dans le sens de l’implication  du régisseur Sidibé dans les faits incriminés. Dès lors, en application des dispositions de l’article 211 du code de procédure pénale, celui-ci- a été mis hors de cause pour insuffisance de charges.

Quant aux nommés K. Coulibaly et B. Samaké, ils ont été inculpés d’atteinte aux biens publics, faux et usage de faux, tandis que B. S. Haïdara devait répondre de complicité de ces faits. Sans vouloir retarder les débats, les inculpés ont reconnu les faits qui leur sont reprochés tant à l’enquête préliminaire que devant le magistrat instructeur. Cependant, il leur restait à expliquer les raisons qui les avaient poussés à agir de la sorte. 

Ainsi K. Coulibaly et B. Samaké ont  reconnu qu’ils ont effectivement morcelé un espace qui était effectivement une réserve foncière, et un espace vert dans le cadre de lotissement destiné à recaser certains habitants de la commune rurale. Ils ont expliqué avoir cédé des lots issus du lotissement de ce site et ont disposé des produits de ces cessions sans recouvrer le moindre frais d’édilité.

Partant de ce fait, les inculpés auraient violé les textes. Car le morcellement des terres en parcelles à usage d’habitation par la mairie est soumis à une procédure légale bien déterminée. Les mis en cause ont reconnu que ces procédures légales n’ont pas été respectées. Quant à B. S. Haïdara, il s’est défendu avoir effectivement permis à K. Coulibaly et B. Samaké, en connaissance de cause, d’accomplir leur forfait, notamment en leur fournissant l’aide nécessaire en vue de la réussite de l’opération frauduleuse de morcèlement incriminée.

 

Pas la moindre intention frauduleuse- à l’audience, face aux juges le préfet K. Coulibaly n’a pas cherché à se disculper. Il a tout simplement reconnu avoir commis des erreurs administratives. Ainsi, l’autorité préfectorale a expliqué qu’il n’avait pas agi dans le sens de s’enrichir. Bien au contraire. à la question des jurés  de savoir pourquoi avoir délivré des lettres d’attribution et des permis de construction sans avoir les qualités, il a répondu que c’était pour régler une situation d’urgence, sinon qu’il n’a jamais eu une intention frauduleuse.

Le maire B. Samaké s’est, de  son côté, défendu d’avoir reçu des lots de la part du préfet pour les conseillers. Il a rejeté toute implication personnelle dans le morcellement. Il ajouta que «c’est le gouverneur qui avait autorisé le morcellement que nous avons fait avec les services techniques des domaines», a-t-il précisé, répondant à une question du président de la cour allant dans ce sens. Toutefois, l’accusé ajouta que pour ce cas précis, c’est le préfet qui s’en était occupé, tout simplement parce qu’il y avait une urgence». à la question de savoir s’il a déjà vendu un lot, l’accusé répondit par la négative : «Je n’ai jamais vendu de parcelle».

B. S. Haïdara, en sa qualité de  chef de la subdivision de l’urbanisme et de l’habitat de Macina, s’est défendu en indiquant  qu’il avait été saisi pour corriger les irrégularités dans les procédures de morcellement, car et le préfet et le maire savaient tous deux qu’il y avait des erreurs.

Prenant la parole, le contentieux de l’État n’est pas allé avec le dos de la cuillère. Pour lui tout est clair, il s’agissait plutôt d’une spéculation foncière. Partant de là, il a demandé 10 millions de CFA pour la valeur du site morcelé. Cependant, le ministère public avait une autre idée des faits. Et le défenseur des citoyens de s’interroger  de savoir si la faute commise par le préfet et le maire est administrative ou pénale. Ainsi, le magistrat a estimé que cette faute est plutôt administrative, à partir du moment où le préfet mis en cause n’a pas suivi les procédures administratives, à cause de l’urgence de déguerpissement. Et de conclure, qu’il y a un « doute fort » que les accusés se soient enrichis sur le dos de l’état.

« Il est évident qu’il y a eu une faute administrative et le préfet a indiqué qu’il avait déjà entamé une procédure de régularisation afin que l’état entre en possession de l’argent perdu, suite à l’irrégularité constatée », a souligné le haut magistrat. Ainsi, le doute profitant à l’accusé, le parquet a requis de les relaxer en l’absence de preuves et en les déclarant non coupables des faits. Au final, la Cour a suivi le parquet dans sa réquisition en déchargeant les accusés des faits. Ils ont été tout simplement acquittés et ont retrouvé l’air libre.

Tamba CAMARA

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