Sommet de la Cedeao sur le Mali : L’impératif de s’entendre, entre jeux et enjeux

Très peu de citoyens maliens ont les bonnes grilles de lecture de la crise profonde que vit leur pays depuis 2012. C’est complexe au regard de ses implications internationales.

Publié vendredi 07 janvier 2022 à 07:25
Sommet de la Cedeao sur le Mali : L’impératif de s’entendre, entre jeux et enjeux

Une majorité en est à penser que cela se limite à la compétence des dirigeants ou la mauvaise organisation des élections ou encore à la faiblesse de l’outil de défense. Tout y est, il est vrai, mais cela est la face du décor. L’envers est plus bigarré, plus complexe. On se souvient certes de l’avènement du M5-RFP pour contester vigoureusement la gouvernance du président IBK, mais l’on semble oublier un certain nombre de détails qui sont au cœur de la compréhension de ce dossier malien complexe, notamment du rôle de la communauté internationale aux échelles bilatérale et multilatérale.

Avec le recul, comment expliquerait-on ici, au bord du fleuve Djoliba ou sur les sables fins d’Araouane, la venue de cinq chefs d’état de la Cedeao en juin 2020, tous des grosses pointures, en pleine tension socio-politique, pour tenter de trouver une solution entre le chef de l’état de l’époque et les contestataires de son pouvoir ? Cette armada était-elle pour le Mali, la Cedeao ou IBK ? Il faut ajouter que cette médiation de très haut niveau venait en appoint des efforts du médiateur désigné, l’ancien chef de l’État nigérian Goodluck Jonathan. Mais on verra par la suite que le 20 août, le résultat de ce ballet diplomatique tombe sèchement et amèrement : le régime est balayé et une Transition politique est engagée. Le processus qui s’installe par la suite, même avec une forte dose de diplomatie, ne permettra pas à la Cedeao encore moins à la communauté internationale de voir leur feuille de route suivie à la lettre puisque la Transition sera « rectifiée » avec changement des deux têtes de l’exécutif et la prise en charge de la gestion par le CNSP et le M5-RFP qui sont les deux « forces du changement ».  Nommé en juin 2020, le Médiateur est à ce mois de janvier 2022 à une dizaine de missions au Mali sans empêcher changements institutionnels et autres.

La réalité d’aujourd’hui est implacable : depuis le 18 août 2020, soit presque 18 mois, le temps initial accordé à la Transition, le Mali en est à un duel à hue et à dia avec la Cedeao. Plusieurs sommets déjà,  notamment le 30 mai 2021 (sur le Mali), le 7 novembre 2021 (Mali et Guinée) et le 12 décembre 2021 (sommet ordinaire) et qui demandent le respect du calendrier électoral pour la fin de la Transition en février 2022.  Et ce 9 janvier 2022, les Chefs d’état remettent cela à Accra avec deux nouveautés : l’organisation des Assises nationales de la refondation (ANR) et un chronogramme qui devrait aboutir à la fin de la Transition en 2026. Voilà qui donne de la matière et présage de discussions électriques. Cette électricité n’est pas tant due aux propositions de la partie malienne. Elle va au-delà. La question malienne a pris une dimension qui dépasse les Maliens et retient l’attention de toute l’Afrique sinon du monde entier. Les opinions publiques, du Burkina Faso à la RDC, du Sénégal à l’éthiopie, ont l’oreille et le regard (avec les réseaux sociaux) rivés sur le champ malien qui affiche un tournant dans l’évolution socio-politique du continent, d’un point de vue de la gouvernance des Etats, des relations entre gouvernants et gouvernés, de l’usage du modèle démocratique occidental, et de la capacité de l’Afrique à prendre en charge son destin.

Le malentendu diplomatique entre Maliens et Français sur la visite avortée du chef de l’état français, le quiproquo entre l’état malien et une partie de ses partenaires internationaux, pour la plupart occidentaux, sur l’engagement d’une société privée russe au Mali, aiguisent ce débat africain et international sinon l’amplifient.

Ensuite, cette électricité à entrevoir dans le sommet du 9 janvier ne viendra pas seulement des propositions de la partie malienne, mais aussi des réalités des relations internationales aujourd’hui où les rapports de force entre puissances économiques et militaires sont en mutations et ne se sont jamais aussi contrebalancés, sinon nivelés que lors de ces deux dernières années, depuis la fin de la guerre froide, sinon depuis la reprise de la guerre froide. Le retour de la puissance militaire russe, la montée de la puissance économique chinoise qui le disputent à l’hégémonie américaine et occidentale vont avoir des répercussions directes sur le Mali et l’Afrique si ce n’est déjà le cas. Et le Mali n’en est qu’un de ces champs dans un jeu d’acteurs et d’enjeux aux plans interne et externe. La tenue d’élections et les stratégies militaires en sont les deux axes de confrontation. Que l’on le croie ou pas, cette donne se ressentira jusque dans le huis clos des chefs d’état ce 9 janvier à Accra. Il reste entendu que le  poids des discussions et tractations bilatérales de coulisses a, dans ce cas de figure, plus de poids que ce qui ressort des échos de rencontres entre les émissaires maliens avec certains chefs d’état avant ladite rencontre. Il est vrai que pour les chefs d’état, il faudrait rester derrière les principes de leur organisation dont il faut sauver la face mais la réalité du jour, les évolutions rapides du contexte international contraignent le plus souvent à un réajustement. En plus, le bilatéral aura son poids car certains pays voisins du Mali mettront leurs intérêts directs sur la table et c’est la somme de tout cela qui aboutira aux conclusions du sommet.

Le contexte malien met la Cedeao et un certain nombre de partenaires du Mali devant un dilemme : rester ferme, tirer sur la corde ou rester souple. Les autorités actuelles du Mali, qu’on soit pour ou contre elles, ont démontré jusque-là leur habileté à user de stratégies politique et diplomatique efficaces voire redoutables pour en imposer à leurs partenaires internationaux et aux oppositions intérieures. Les ANR avec leurs résolutions multiples sont des boucliers à la fois pour en imposer autant que ce peut pour ce qui est de la prolongation ou de la diversification des partenariats. Le bloc occidental va-t-il faire de la raideur pour pousser le Mali davantage dans les bras russes, chinois, algériens, mauritaniens et autres ? La Cedeao va-t-elle radicaliser les Maliens à envisager de regarder plus vers les voisins du nord qui ne sont pas dans l’organisation ? L’Uemoa dont un sommet est annoncé va-t-elle pousser le Mali en raviver le débat sur le Franc CFA et la nécessité d’en sortir ?

Ces questions existentielles seront sans doute soulevées dans les discussions entre partenaires impliqués dans ce dossier malien. Reste à se demander quelle est la marge de manœuvre de la partie malienne ? Elle entend s’abriter derrière les résolutions des citoyens sorties des ANR et tentera d’aviser après les résolutions du sommet. Tout montre que les autorités ont leurs plans B et C car dans ce jeu complexe, entre jeux et enjeux, chaque acteur se prémunit de ses armes et de ses portes de sorties.

Alassane SOULEYMANE,

Journaliste

Rédaction Lessor

Lire aussi : Vienne : Le ministre Mossa Ag Attaher participe à la 12è réunion du groupe de travail sur le trafic illicite de migrants

Le ministre des Maliens établis à l’Extérieur et de l’Intégration africaine, Mossa Ag Attaher, a participé à la 12è réunion du Groupe de travail sur le trafic illicite de migrants, organisée par le Bureau des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) à Vienne en Autriche..

Lire aussi : Révision annuelle des listes électorales : L’Aige entame sa mission de supervision à partir de ce mercredi

L’Autorité indépendante de gestion des élections (Aige) entame, ce mercredi, sa mission de supervision et de suivi des opérations de Révision annuelle des listes électorales (Rale) 2025 jusqu’au 30 octobre prochain à l’intérieur comme à l’extérieur du pays..

Lire aussi : Approvisionnement en carburant : Le gouvernement à pied d’œuvre

L’accompagnement des opérateurs économiques, la rétention de stocks de carburant, l’existence de circuits parallèles de distribution, les échanges avec les ports maritimes sont, entre autres sujets, qui ont été abordés lors de la rencontre du Comité interministériel de gestion de crise.

Lire aussi : Crise du carburant : le gouvernement renforce son plan d’action pour un approvisionnement durable

Sous la présidence du Premier ministre, le Général de division Abdoulaye Maïga, le Comité interministériel de gestion de crises et catastrophes (CIGCC) s’est réuni ce mardi 14 octobre 2025..

Lire aussi : Mopti : La solidarité comme socle des politiques économiques et sociales

Les activités de l’édition 2025 du Mois de la solidarité et de la lutte contre l’exclusion ont été lancées, jeudi dernier, dans la Région de Mopti. L’évènement était présidé dans la salle du gouvernorat par le gouverneur de la région, le Général de brigade Daouda Dembélé..

Lire aussi : Diplomatie : le Chef du gouvernement échange avec l’Amicale des anciens ambassadeurs et consuls généraux du Mali

Le Premier ministre, le Général de division Abdoulaye Maïga, a reçu ce vendredi 10 octobre 2025 une délégation de l’Amicale des anciens ambassadeurs et consuls généraux du Mali, conduite par son président, Dr Abdoulaye Amadou Sy..

Les articles de l'auteur

Fonds de soutien patriotique : Plus de 142 milliards de FCFA mobilisés au 30 septembre 2025

Le Fonds de soutien patriotique (FSP) poursuit sa dynamique de mobilisation nationale. Selon les chiffres publiés par le Comité de gestion, le vendredi 10 octobre, les recettes cumulées du FSP ont atteint 142.603.529.418 Fcfa au 30 septembre 2025, confirmant la forte adhésion des Burkinabè à cet instrument de solidarité nationale..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 15 octobre 2025 à 08:37

Burkina : Des panafricanistes célèbrent l’héritage de Thomas Sankara

Le Burkina Faso a officiellement lancé, ce lundi à Ouagadougou, les Rencontres internationales Carrefour Thomas Sankara, destinées pendant cinq jours, à perpétuer la mémoire et les idéaux de l’illustre panafricaniste révolutionnaire..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 15 octobre 2025 à 08:28

Niger : Le gouvernement renforce sa cybersécurité avec la création d’un centre national dédié

Le gouvernement nigérien a décidé de mettre en place un Centre national de cybersécurité (CNAC), renforçant ainsi ses efforts pour assurer la sécurité du cyberespace national. Deux projets de décrets ont été adoptés lors du Conseil des ministres du samedi 11 octobre, portant respectivement sur la création de l’institution et l’approbation de ses statuts..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 15 octobre 2025 à 08:26

AES : Les pays membres entendent coordonner les fréquences radioélectriques à leurs frontières

Le Directeur général de l’Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste (Arcep), le Colonel-major Idrissa Chaibou a présidé, ce lundi 13 octobre dans la salle des réunions de l’Arcep, la cérémonie d’ouverture des travaux de la réunion préparatoire à la réunion de coordination des fréquences radioélectriques aux frontières des pays membres de l’Alliance des États du Sahel..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 15 octobre 2025 à 08:24

Kangaba : Démarrage des travaux du principal caniveau

Les travaux de construction du principal caniveau qui traverse la ville de Kangaba ont démarré le jeudi 9 octobre. Ils sont financés par le budget de la Commune rurale de Minidian pour un montant total de 47.496.416 Fcfa. Le premier coup de pelle a été donné par le maire de cette commune, Mamby Keitadit By..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 15 octobre 2025 à 08:16

Vienne : Le ministre Mossa Ag Attaher participe à la 12è réunion du groupe de travail sur le trafic illicite de migrants

Le ministre des Maliens établis à l’Extérieur et de l’Intégration africaine, Mossa Ag Attaher, a participé à la 12è réunion du Groupe de travail sur le trafic illicite de migrants, organisée par le Bureau des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) à Vienne en Autriche..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 15 octobre 2025 à 07:44

Autriche : Le ministre Mossa Ag Attaher rencontre la communauté malienne de Vienne

En marge de la 12è réunion du Groupe de travail sur le trafic illicite de migrants, le ministre des Maliens Établis à l’extérieur et de l’Intégration africaine, Mossa Ag Attaher a rencontré, le samedi 11 octobre 202, la communauté malienne vivant à Vienne, en Autriche, ainsi que celles des autres pays de la Confédération des États du Sahel (AES)..

Par Rédaction Lessor


Publié mardi 14 octobre 2025 à 07:39

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner