
Des hectares de forêt sont ravagés par les chercheurs d'or
Situé dans la
Région de Koulikoro, le Cercle de Kangaba est connu pour ses terres fertiles et
son riche passé historique lié à l’empire du Mandé. Mais dans la Commune rurale
de Nouga, l’or a pris le dessus sur l’agriculture et l’élevage. Les champs de
mil et de maïs reculent et le fleuve Niger se transforme peu à peu en chantier.
Notre équipe s’y est rendue début septembre 2025, à Kokoyo (village de Danga
dans la Commune de Nouga) et à Samaya, pour mesurer l’impact de l’orpaillage et
du dragage sur la vie humaine et l’environnement.
À Kokoyo, site
d’orpaillage situé à 45 km de Kangaba, l’activité attire chaque jour des
centaines de personnes venues du Mali et des pays voisins. Le site vit au
rythme des véhicules de transport, des motos et des tricycles qui déposent
orpailleurs et commerçants. Dans ce décor poussiéreux, un marché informel s’est
développé aux abords du site : on y trouve de tout, du thé aux pelles, en
passant par les vivres, les lampes frontales et les outils de creusage. L’air
est chargé de poussières, les moteurs ronronnent sans cesse et l’odeur du
gasoil flotte au-dessus du site.
Dès 7 heures
du matin, la gare routière est noire de monde. Des hommes, des femmes et même
des enfants, se pressent vers les sites. Chacun espérant repartir avec quelques
grammes d’or. Ici, les journées finissent tard, dans le vacarme des
marteaux-piqueurs, le grondement des concasseurs et les cris des vendeuses de
nourriture qui sillonnent les allées. Dans cette localité, la vie est chère à
cause de la présence des étrangers. Les conditions de vie sont aussi précaires.
Les orpailleurs vivent sous des tentes recouvertes de pailles et de toiles. Si
certains gagnent de l’or, d’autres tombent parfois malades et retournent chez
eux les mains vides.
Sur le
terrain, les orpailleurs creusent d’immenses trous à mains nues ou avec des
outils rudimentaires, souvent sans aucun équipement de protection. Des
tricycles transportent sans relâche le banco extrait, tandis que des dizaines
d’hommes s’enfoncent dans les galeries au péril de leur vie. Chaque coup de
pioche arrache un peu plus de terre. L’espoir d’une pépite nourrit l’endurance
des hommes, mais le danger est permanent : Fréquemment, des effondrements
causent des morts. «L’or est partout ici, dans les pierres et le sable. Pour
l’instant, la chance ne m’a pas souri», confie Drissa Coulibaly, la voix
couverte par le vacarme des machines. Cet originaire de San travaille, depuis
près d’un an, sur un ancien site abandonné.
LE SECTEUR
PRIMAIRE EN DANGER- Yacouba Sawadogo, un Burkinabè installé depuis cinq ans sur
le même site, gagne environ 50.000 Fcfa par mois en cassant des blocs de
pierres, qu’il transporte ensuite vers les concasseurs. D’autres, comme Moussa
Sangaré de Dioïla, comptent sur des détecteurs de métaux pour repérer l’or dans
les zones déjà exploitées. Dans ces zones, l’état de l’environnement se dégrade
à une vitesse incontrôlée. Des trous abandonnés à ciel ouvert se remplissent
d’eau de pluies en cette période d’hivernage.
Si certains
trouvent dans l’orpaillage un moyen de survie, d’autres dénoncent les effets
désastreux sur l’agriculture et la pêche. Lamine Magassouba, cultivateur de 54
ans, extrait lui-même de l’or pour financer ses travaux champêtres. «Pour
l’instant, les zones d’orpaillage et les terres agricoles sont séparées, mais à
long terme, ce sera une catastrophe», prévient-il. Bréhima Sokoré, ancien
pêcheur reconverti dans le dragage, regrette l’arrivée massive des machines.
«Avant, on utilisait des méthodes artisanales, sans produits chimiques. Le
fleuve restait vivant et les poissons trouvaient refuge dans les trous de sable.
Aujourd’hui, les dragues détruisent tout, les poissons disparaissent et l’eau
est devenue boueuse», dénonce-t-il.
À Kokoyo,
l’organisation du site repose sur les «tomboloma», des notables chargés de
réguler l’exploitation. Leur chef, Bill Magassouba, rappelle que l’orpaillage
existe dans la localité depuis des siècles. « Jadis, on travaillait à la
pioche. Aujourd’hui, les machines dominent, mais les règles locales ne changent
pas. Chacun doit respecter les consignes, et les gains sont partagés», précise-t-il.
Pourtant, ces règles n’empêchent pas les drames. Les trous béants laissés à
l’abandon causent des accidents mortels, touchant aussi bien les hommes que les
animaux. Rien que l’année dernière, Bill Magassouba a perdu plus de dix bœufs
dans ces trous. Pour lui, la priorité doit être le rebouchage des excavations
et la restauration des terres. Il appelle l’État à soutenir la réhabilitation
des sites exploités.
PÉRIL
ENVIRONNEMENTAL TOUS AZIMUTS- À Samaya, c’est le fleuve Niger qui paie le plus
lourd tribut. Les dragues, installées sans contrôle, brassent le lit du fleuve
jour et nuit. Le bruit des moteurs couvre le chant des oiseaux, l’eau prend une
couleur rougeâtre et des boues s’accumulent sur les berges. Le chef du service
local des Eaux et Forêts de Kangaba, le capitaine Yaya Diabaté, alerte sur
l’intensification de l’orpaillage dans la zone. «C’est devenu un fléau qui
impacte fortement l’environnement. Les bruits des hommes et des moteurs font
fuir la faune. Dans les galeries, on utilise le bois comme support, ce qui
détruit la flore. À cela, s’ajoute la dégradation des terres au détriment de
l’agriculture. Quand l’or sera épuisé, dans vingt ans, il ne restera plus de
sols cultivables», avertit-il.
Face à la
situation, il affirme que son service engage des actions de contrôle régulier.
Selon lui, les grandes machines appartiennent à des sociétés minières
détentrices de permis, tandis que les orpailleurs artisanaux travaillent avec
des pioches. «Nous condamnons l’utilisation de produits chimiques, même si nous
n’en avons pas encore constaté sur le terrain. Concernant le dragage, l’État
procède régulièrement à des saisies et destructions de machines, mais le
phénomène persiste toujours», reconnaît-il.
Le capitaine
Yaya Diabaté rappelle que l’exploitation forestière est interdite dans les
forêts classées. Ailleurs, elle est soumise à permis et doit être suivie de
reboisement. «Nous sensibilisons les exploitants à restaurer les sites dégradés
», souligne-t-il, tout en déplorant le manque de personnel, de moyens
logistiques et l’insécurité. «Nos agents sont parfois agressés par des
orpailleurs sous l’effet de stupéfiants», confie-t-il.
De son côté,
le chef du service local de l’assainissement et du contrôle des pollutions et
nuisances (SACPN) de Kangaba, Moussa Sanogo, confirme aussi la dégradation de
l’environnement due au dragage et à l’orpaillage. «On ne peut plus parler
d’orpaillage traditionnel quand des machines lourdes, comme des cracheurs et
des bulldozers, sont utilisées», regrette-t-il. Il ne confirme pas
l’utilisation de produits chimiques par les orpailleurs, mais reconnaît
l’impact du dragage sur le fleuve Niger. « L’aspersion du sable colore l’eau en
rouge et favorise le dépôt de boues dans les cours d’eau, ce qui pose un
problème d’hygiène publique», explique-t-il.
SUSPENDRE L’ORPAILLAGE PENDANT L’HIVERNAGE- Le secrétaire général de la Commune de Nouga et maire intérimaire de Banankoro, Mamadou Lamine Dembélé, dénonce également les conséquences néfastes de l’orpaillage. «Malgré les mesures prises par la mairie et la préfecture, les dragues et machines prolifèrent avec la complicité de certaines communautés. L’activité d’orpaillage génère plus de revenus pour les communautés que la mairie. Elle dévaste les terres et alimente l’insécurité», constate-t-il.
Selon lui, les
conflits fonciers sont fréquents, notamment avec des attaques venues des
frontières guinéennes. La mairie, sans grands moyens, tente de sensibiliser les
populations. Mais les drames se multiplient, comme l’effondrement d’une mine à
Kokoyo ayant causé 12 morts récemment. «Si j’avais les moyens, je demanderais à
l’État de chasser toutes les dragues des fleuves. Et de prendre des mesures
fortes pour suspendre l’orpaillage traditionnel pendant l’hivernage.
Aujourd’hui, les populations tirent profit de l’or, mais demain il n’y aura
plus de terres à cultiver ni de pâturages», alerte Mamadou Lamine Dembélé, tout
signalant la création de couloirs d’orpaillage encadrés, susceptibles de
canaliser l’activité et de générer des emplois durables.
Envoyé spécial
Makan SISSOKO
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