Études d’impact environnemental et social : La Gestion du fonds fait débat

Les promoteurs des projets de développement se disent floués, estimant que les ressources mises à la disposition des services techniques sont utilisées à d’autres fins. Les techniciens, tout en dénonçant la lourdeur des procédures de décaissement, jurent qu’ils ne sont pas impliqués dans sa gestion

Publié jeudi 17 août 2023 à 05:33
Études d’impact environnemental et social : La Gestion du fonds fait débat

Toutes les activités économiques sont susceptibles d’avoir un impact négatif sur l’environnement. Dans la plupart des cas, il s’agit d’entreprises dont la mise en œuvre nécessite la coupe des arbres, le bouleversement de la nature du sol, des cours d’eau, de habitats de la faune sauvage en milieu rural et urbain.

C’est pourquoi, tout promoteur, avant de réaliser son projet, doit se soumettre à une étude d’impact environnemental et social (EIES), rappelle Balla Sissoko, chef de division évaluation environnementale et sociale de la direction nationale de l’assainissement, du contrôle des pollutions et des nuisances (DNACPN).

Ces projets sont catégorisés selon leur degré d’incidence négative sur l’écosystème. Ceux classés dans la catégorie «A», par exemple la construction des routes, la réalisation de sites d’exploitation minière ou de grandes industries de productions, sont des projets qui ont un impact très négatif sur l’environnement. Dès lors, ils sont astreints à la réalisation de l’EIES. Les projets de catégorie «B» sont ceux qui ont un impact négatif sur l’environnement, mais réversible.

En revanche, les projets de catégorie «C» qui ont un impact insignifiant sur l’environnement, n’ont pas besoin de réaliser une EIES, mais une notice d’impact environnemental et social (NIES), à travers une simple lettre d’approbation du directeur régional de l’assainissement, du contrôle des pollutions et des nuisances.

Au Mali, pour les promoteurs d’entreprises et de projets, l’obtention de ce précieux sésame est un parcours du combattant. Les acteurs économiques qui sont les moteurs du développement, sont soumis à des démarches administratives qu’ils estiment trop contraignantes pour un secteur où la promptitude est un facteur clé.

En effet, pour réaliser une EIES, le préalable consiste à en faire la demande auprès de la DNACPN. Les termes de référence et le rapport d’études de faisabilité du projet avec mention du coût global de l’investissement sont déposés au niveau du même service. Après l’approbation du dossier, le service technique délivre un ordre de versement des frais d’EIES dans un compte ouvert au nom de la DNACPN, à la Banque malienne de solidarité (BMS.sa).

 Selon l’article 1er de l’arrêté interministériel n°10-1509-MEAMIIC-SG du 31 mai 2010 fixant le montant, les modalités de paiement et de gestion des frais afférents aux activités relatives à l’EIES, le coût de la procédure est un montant correspondant à un pourcentage du coût total des investissements corporels fixé par catégorie.

Les projets sont classés en 8 niveaux d’investissement corporel, de 100 milliards de Fcfa à moins de 100 millions de Fcfa. Plus le montant de l’investissement est élevé, moins l’est le pourcentage de prélèvement. Ainsi, le pourcentage du niveau «A» qui correspond aux investissements corporels inférieurs à 100 millions de Fcfa, le pourcentage est estimé à 1,5% du coût total. À 100 milliards de Fcfa qui correspond au niveau I dans le classement, le pourcentage est de 0,003125%.

Le paiement du montant total se fait par échéances. 20% sont versés à l’acquisition des guides généraux ou spécifiques et la visite de terrain pour l’approbation des TDRs par la DNACPN. La visite du site par les membres du comité interministériel d’analyse environnementale et le contrôle de la réalisation de la consultation publique est consécutive au paiement de 20%.


À l’étape de l’examen technique du rapport par la commission interministérielle, 10% du montant sont versés au compte et 5% à l’obtention du permis environnemental. Les 45% restants sont payés au démarrage des activités de mise en œuvre du projet pour la supervision du Plan de suivi et de surveillance environnemental.

 

Gestion opaque- Malgré ces dispositions claires de l’arrêté interministériel cité supra, le Programme du Fonds EIES servirait-il à autre chose que ce à quoi il est destiné ? Mohamed Ali, entrepreneur de son État, est formel : «Cet argent que nous mettons à la disposition des services techniques compétents pour faire le travail, est utilisé à d’autres fins.» Selon lui, pour des raisons de célérité, car souvent tenus par des délais d’exécution des projets, les promoteurs paient la même somme à la DNACPN pour acquérir le permis environnemental. Donc, un double paiement pour le même service, ce qui est amer pour l’investisseur.

Ce sentiment est partagé par nombre de ses pairs. Tous ceux dont nous avons approchés sont unanimes que ce Fonds EIES ne sert pas leurs intérêts et ils interpellent, par conséquent, les pouvoirs publics sur sa gestion. Le fonctionnaire Balla Sissoko n’est pas du même avis. Il pointe du doigt la lenteur de la procédure de décaissement du Fonds. Il cite, en effet, l’article 5 de l’arrêté n°10-1509, son «Vade-mecum» qui précise que le montant total est versé dans un compte spécial ouvert au Trésor public et domicilié à la Banque malienne de solidarité (BMS. sa) au nom de la DNACPN.

À l’en croire, c’est le circuit financier qu’il faut plutôt revoir. Bien que ce compte soit au nom de son service, il n’est impliqué en rien dans sa gestion. Tout se passe entre la direction des finances et du matériel (DFM) du département de tutelle, le chef de programme du Fonds qui est un conseiller technique et le Trésor public. Un régisseur d’avance est nommé auprès du directeur des finances et du matériel pour la gestion des dépenses. C’est le «goulot d’étranglement».

Malgré la pression de ses usagers, la DNACPN est obligée de se conformer au rythme des gestionnaires du Fonds dans l’exécution des tâches.

Elle ne peut effectuer aucune mission sans leur quitus, après avoir soumis un programme budgétisé. C’est la lourdeur de cette procédure qui agace beaucoup de promoteurs. Après s’être acquittés du premier paiement, ces derniers préfèrent encore financer directement les missions de la DNACPN, pour être dans les délais d’exécution de leurs projets, explique monsieur Sissoko. D’où leur sentiment d’être floués.

La protection de l’environnement et l’amélioration du cadre de vie est un droit constitutionnel au Mali. La promotion de l’entrepreneuriat étant un des axes majeurs de la politique de développement de notre pays, il se doit d’intégrer l’EIES comme un maillon essentiel, pour garantir un développement socio-économique durable, respectueux des lois et des politiques de préservation de l’écosystème vital.

Ceci passe par la nécessaire réforme des textes qui régissent le domaine, estiment les acteurs. Un des points saillants porte sur la gestion du programme du Fonds EIES qui doit revenir exclusivement à la DNACPN, dans une optique de diligence de la procédure. «Il faut rendre à César ce qui est à César ; et à Dieu, ce qui est à Dieu», dit-on.

Cheick Amadou DIA

Lire aussi : 38è anniversaire de la disparition du président Thomas Sankara : le message d’hommage du capitaine Ibrahim Traoré

À l’occasion du 38è anniversaire de l’assassinat du Président Thomas Isidore Noël Sankara, le chef de l’État burkinabè, le capitaine Ibrahim Traoré, a rendu un vibrant hommage au père de la Révolution d’août 1983.

Lire aussi : Décès de l’ancien Premier ministre Soumana Sako: la Nation perd un homme d´Etat

L’ancien Premier ministre Soumana Sako a tiré sa révérence, ce mercredi 15 octobre 2025. Né en Nyamina en 1950, Soumana Sako a obtenu le Diplôme d’étude fondamentale (DEF) en juin 1967 et le Bac trois ans plus tard, en se classant dans les cas deux Premier national.

Lire aussi : Environnement : Les femmes de Siby à l’avant-garde de la sauvegarde

En plus d’être de ferventes agricultrices, les femmes de Siby sont aussi de véritables gardiennes de la nature. Elles assurent la protection de l’environnement avec leur savoir-faire.

Lire aussi : Journée internationale de la femme rurale : Hommage aux «NYeléni» de Siby

C’est aujourd’hui qu’on célèbre la Journée internationale de la femme rurale. À cette occasion, nous sommes allés à la rencontre des braves femmes de Siby dont la principale activité est de travailler la terre pour garantir la sécurité alimentaire dans la communauté et assurer leur a.

Lire aussi : Kangaba : Démarrage des travaux du principal caniveau

Les travaux de construction du principal caniveau qui traverse la ville de Kangaba ont démarré le jeudi 9 octobre. Ils sont financés par le budget de la Commune rurale de Minidian pour un montant total de 47.496.416 Fcfa. Le premier coup de pelle a été donné par le maire de cette commune, Mamb.

Lire aussi : Diéma : Des consignes claires pour éviter une pénurie de carburant

Le 2è adjoint au préfet de Diéma, Attayoub Ould Mohamed, à la tête d’une délégation restreinte, comprenant le 2è adjoint au maire de la Commune rurale de Diéma, Nakounté Sissoko, le chef du service subrégional du commerce et de la concurrence, Mamby Kamissoko, et des éléments des Forc.

Les articles de l'auteur

Paiement numérique : La BCEAO lance la PI-SPI

Cette plateforme interopérable du système de paiement instantané (PI-SPI), permet d’envoyer et de recevoir de l’argent instantanément entre différentes banques, émetteurs de monnaie électronique, institutions de microfinances et établissements de paiement. Chaque citoyen de la zone Uemoa peut effectuer des opérations de transaction simples, sécurisées et facilement accessibles en quelques secondes, 24h sur 24 et 7 jours sur 7.

Par Cheick Amadou DIA


Publié mercredi 01 octobre 2025 à 09:08

Financement climatique : Une gestion «Kafkaïenne» des fonds

En 2015, à Paris, dans la capitale française, un Accord historique sur le climat a été adopté par 197 pays du monde. Il consacre un financement substantiel des actions de lutte contre le dérèglement climatique par les pays riches en faveur des plus pauvres, vulnérables au phénomène. La cagnotte, loin d’être remplie, est aussi soumise à une règle procédurale et administrative qui rend son accès difficile pour ses bénéficiaires.

Par Cheick Amadou DIA


Publié jeudi 14 août 2025 à 11:21

Insécurité alimentaire : Le plan national de réponses 2025 financé à hauteur de 12,74 milliards de FCFA

Lancé hier par le Président de la Transition, le Général d’armée Assimi Goïta, ce plan prévoit de fournir une assistance alimentaire à 2,3 millions de personnes vulnérables à travers le pays.

Par Cheick Amadou DIA


Publié mercredi 13 août 2025 à 08:23

Engrais subventionnés : Les producteurs de Bamako reçoivent leur précieux sésame

C’est un investissement de 9,84 milliards de Fcfa qui permettra l’acquisition d’engrais de qualité supérieure pour les exploitants agricoles. Les détenteurs du document ont accès au sac d’engrais de 50 kg à 14.000 Fcfa contre plus de 25.000 Fcfa sur le marché.

Par Cheick Amadou DIA


Publié mercredi 30 juillet 2025 à 09:24

Protection et utilisation des ressources en eau : Plaidoyer pour l'adoption d'un code de l'eau

Le sujet a fait l’objet d’un atelier national organisé par l’Ong Join For Water, en collaboration avec le Partenariat national de l’eau du Mali (PNE) et la Coalition nationale pour la sauvegarde du fleuve Niger (CNSFN)..

Par Cheick Amadou DIA


Publié vendredi 25 juillet 2025 à 07:47

Satisfaction des besoins fondamentaux des populations : L’exécution du plan d’action gouvernement-secteur privé jugée mitigée

Sixième du genre, cette réunion mensuelle du cadre de concertation secteur public/secteur privé dresse un bilan mitigé de la prise en charge effective des préoccupations de chaque partie prenante du processus de développement économique.

Par Cheick Amadou DIA


Publié vendredi 30 mai 2025 à 07:44

Campagne agricole 2025 : Tout est vert

Il est prévu cette année, 11.696.721 tonnes de céréales et 682.000 tonnes de coton graine. De quoi amorcer la campagne de 2026 avec sérénité.

Par Cheick Amadou DIA


Publié mercredi 07 mai 2025 à 07:40

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner