Crise sécuritaire au Mali : L’économie criminelle, moteur principal de la violence

Depuis plus d’une décennie, les groupes armés et leurs complices terroristes tentent de faire du septentrion malien un no man’s land pour bien profiter de leurs crimes : prise d’otages, braquages, razzias, vols à main armée, trafic d’armes et de drogue, assassinats ciblés. Sauf que les Forces armées maliennes sont aujourd’hui déterminées à mettre fin à ce business tout aussi criminel que lucratif en se déployant sur toute l’étendue du territoire national

Publié mardi 31 octobre 2023 à 08:05
Crise sécuritaire au Mali : L’économie criminelle, moteur principal de la violence

Les Forces armées maliennes (FAMa) ont lancé de vastes opérations de redéploiement sur l’ensemble du territoire national. Ces actions entrent dans le cadre des activités de rétrocession des emprises de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) à l’Armée nationale et républicaine.

Cela conformément à la résolution 2690 du 30 juin 2023 du Conseil de sécurité des Nations unies prise à la demande de retrait de la Mission onusienne formulée par le gouvernement malien. Objectif : assurer un meilleur maillage territorial afin d’assurer sa mission régalienne de défense de l’unité et de l’intégrité du territoire, et de garante de nos libertés individuelles et collectives.


Le déclenchement de ces opérations que l’Armée promet de mener à terme, permettra de mettre fin à ce qui n’était qu’un secret de polichinelle : l’économie criminelle qui  constitue le moteur principal de la violence au Nord du Mali où différents groupes armés se livrent une lutte d’influence pour prendre le contrôle de cette plaque tournante des trafics illicites en tout genre.

L’annonce de la rétrocession des camps situés dans ces zones-là notamment celui de Ber aux FAMa a fait perdre à la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) sa sérénité. Cette organisation séparatiste hybride (terroriste la nuit et rebelle le jour) a, dans des messages et déclarations à peine voilés, menacé de faire vivre l’enfer aux populations du Nord, afin de mettre en échec le processus d’installation de l’Armée dans les zones qu’elle considère comme sa chasse gardée.

Ces déclarations va-t’en-guerre ont été suivies d’actes odieux assimilables à un crime de guerre, notamment l’attaque du bateau Tombouctou, contre les camps de Bamba, Léré, Bourem... Cette monstruosité inouïe dans l’histoire contemporaine du Mali qui rappelle l’exécution sommaire à Aguelhok en 2012 d’une centaine de militaires maliens désarmés a révélé au grand jour les raisons véritables de l’aveuglement de la CMA et de ses complices terroristes à vouloir vaille que vaille contrôler les entrées et sorties des principales voies de transit des personnes et leurs biens.

Des sources crédibles assurent que la présence de l’Armée à Ber (petite ville située à 60 km à l’Est de Tombouctou), puis à Tessalit et Aguelhok prive l’alliance nébuleuse des terroristes et des indépendances d’une source importante de revenus. Grâce au racket sur le commerce des marchandises, ces forces hors la loi gagnaient beaucoup d’argent pour renflouer leurs caisses. «Laisser Ber aux mains de l’État est une perte énorme pour la CMA.

Depuis 2012, il n’y a pas un représentant de l’État à Ber alors que cette ville est un carrefour commercial. On ne quitte pas Gao pour Tombouctou sans passer par Ber, que ce soit par la route ou la voie fluviale. Donc, les impôts, les taxes et autres rançons étaient récupérés par la CMA et les djihadistes. C’est une manne qu’ils vont perdre après la prise de Ber par l’Armée. Perdre Ber pour la CMA, c’est aussi perdre son deuxième bastion après Kidal. Alors dès que l’Armée a occupé Ber après le départ de la Minusma, le 13 août dernier, ils s’en sont pris à nos militaires et aux populations civiles en imposant un blocus sur Tombouctou», confirme l’ancien député de Tombouctou, El Hadji Baba Haïdara dit Sandy.

 

POUVOIR MILITAIRE ET ÉCONOMIQUE- Ces révélations troublantes sont corroborées par les résultats de plusieurs années de recherches conduites par des sommités. L’écrivaine et enseignante-chercheure au Center for Global Studies de l’Université internationale de Rabat, Beatriz Mesa, attirait déjà l’attention sur cette mafia. «L’économie criminelle constitue le moteur principal de la violence au Nord du Mali où différents groupes armés se livrent une bataille d’influence pour prendre le contrôle de cette plaque tournante des trafics illicites», soulignait-elle, lors de la présentation de son ouvrage «Les groupes armés au Sahel : conflit et économie criminelle au Nord du Mali». C’était lors de la 27è édition du Salon international de l’édition et du livre (Siel).

Docteure en sciences politiques de l’Université de Grenoble, elle est enseignante-chercheure à l’Université Gaston-Berger et chercheure permanente au Laboratoire d’analyse des sociétés et pouvoirs/Afrique-Diasporas (LASPAD). Chargée de cours et membre de l’équipe de recherche du Center for Global Studies de l’Université internationale de Rabat (UIR) depuis 2015, Beatriz Mesa travaille sur la sécurité, la géopolitique, les frontières, la migration, l’islam politique, les conflits, les groupes armés et l’économie criminelle au Maghreb et au Sahel, avec plus de 15 ans d’expérience comme chroniqueuse internationale sur l’Afrique.

C’est au regard de cette expérience qu’elle peut se permettre d’apprécier. «Tous ces groupes armés que vous voyez aujourd’hui ont proliféré et se sont disséminés à partir de cette économie criminelle. En créant un groupe armé, on peut contrôler un territoire, un pouvoir militaire, un pouvoir économique, etc.», renchérit-elle, ajoutant que cette course à la conquête du territoire afin «d’asseoir leur hégémonie dans leur zone d’influence», de façon à pouvoir contrôler les sources de l’économie criminelle explique «toute la violence à laquelle on assiste aujourd’hui au Nord du Mali». La non prise en compte du rôle crucial de l’économie criminelle dans la prolifération de la violence dans cette zone explique, de l’avis de Mme Mesa, l’échec des opérations sécuritaires menées dans la région, notamment par l’ex-G5 Sahel et l’opération Barkhane, lancée en 2014.

Ce lien évident entre extrémisme violent et économie criminelle apparaît également dans «Trafic de main d’œuvre dans l’EMAPE : Étude des risques dans les sites d’orpaillage saharo-sahéliens», de Mme Alice Fereday, analyste principale à l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée. Ce document évalue les risques d’exploitation et de trafic de main d’œuvre dans les zones aurifères du Nord du Niger et du Mali. Ses recherches se sont déroulées de juillet à septembre 2022 sur les sites à Tchibarakaten et à Djado au Niger et N’Tahaka et N’Abaw dans la Région de Gao.


Situé à 90 kilomètres à l’Ouest de la ville de Gao, N’Tahaka s’étend sur 7 ou 8 kilomètres. En fin 2022, environ 10.000 orpailleurs y travaillaient, en particulier des communautés de la Région du Liptako Gourma (Maliens, Burkinabé et Nigériens), mais aussi des travailleurs migrants originaires du Soudan, du Nigeria, du Tchad, du Libéria, du Ghana, de la Mauritanie, du Sénégal, de la Guinée, du Togo et d’Algérie».

 

LIEU DE RECRUTEMENT POTENTIEL- L’absence totale (provoquée et entretenue) de l’administration malienne dans ces zones a été une aubaine pour la CMA et ses complices. Ces derniers tiraient profit d’importantes sources de revenus provenant de l’or. Les zones d’orpaillage des Régions de Kidal et de Gao ont été prises pour cible par des groupes armés qui utilisent un mode potentiel de «taxation» lucratif. «Ils ont ainsi tiré profit de ces importantes sources de revenus. Les sites d’orpaillage dans le Nord du Mali sont également un lieu de recrutement potentiel pour les groupes extrémistes violents. Lorsque l’orpaillage requiert l’usage d’explosifs, les sites miniers peuvent également servir de base d’approvisionnement pour les groupes armés et de formation à leur utilisation», analyse le rapport.

Ainsi pour mieux asseoir son hégémonie et étendre davantage sa zone d’influence, la CMA a, en 2021, formé une coalition dénommée Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP) qui a fait long feu. Le CSP qui se résume aujourd’hui à la seule CMA tire des revenus importants au-delà du contrôle de l’orpaillage. «Les orpailleurs ne sont généralement autorisés à vendre de l’or qu’à des taux fixés par les membres du CSP, et ce dernier bénéficie par ailleurs de la taxation des entrées et sorties des véhicules de la zone, ainsi que du contrôle des marchés auxiliaires, tels que le carburant, l’eau, la nourriture et l’équipement».

Les groupes armés sont également impliqués dans le crime organisé. «Il y a des assassinats ciblés, des braquages, des vols à main armée, la vente et le trafic d’armes, le trafic d’or, et il y a aussi le passage et la vente de drogue sauf lorsque les djihadistes sont sur le site», confient des orpailleurs. Et personne n’ose les critiquer car «si tu le fais tu vas te retrouver dans une tombe dès le lendemain», murmure un orpailleur à l’oreille des enquêteurs qui évoquent des difficultés sécuritaires ayant empêché l’accès à Kidal.

Ces peurs et traumatismes seront bientôt un lointain souvenir. L’État ayant déjà pris le contrôle de la plupart de ces zones, ces actes illégaux vont cesser progressivement. L’économie criminelle cessera de prospérer. Le contrôle des points d’entrée et de l’ensemble du territoire par la FAMa permettra ainsi à l’État de renforcer sa présence et sa légitimité dans les zones encore isolées et sous contrôle des groupes armés indépendantistes et terroristes. Ce qui pourrait représenter une étape clé dans la lutte contre le terrorisme, le banditisme et le crime organisé entretenus par la CMA et ses complices. Également l’élargissement de l’assiette fiscale afin de garantir les services sociaux de base aux populations. 

Cheick Moctar TRAORE

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