Conférence de Berlin : 137 ans après, quelles perspectives pour l’Afrique ?

À la conférence de Berlin, le chancelier allemand Otto Von Bismarck préside la séance et engage le débat à propos du Congo

Publié lundi 07 mars 2022 à 06:48
Conférence de Berlin : 137 ans après, quelles perspectives pour l’Afrique ?

Le mois de février qui vient de s’achever, a enregistré, même si ce fut dans l’indifférence quasi générale des Africains, le 137è anniversaire d’un tragique événement qui aura à jamais marqué nos vies et continue de bouleverser la marche du continent. C’est en effet le 26 févier 1885 que fut signé l’Acte général qui couronna la Conférence de Berlin commencée quelques mois plus tôt, le 14 novembre 1884.

À l’initiative du roi Louis 1er du Portugal, 14 nations s’étaient retrouvées autour de la même table à Berlin. L’Allemagne de Guillaume 1er, avec à la manette le Chancelier Otto Von Bismarck, s’était occupée de lancer les invitations et de dresser la table. Au menu, rien moins qu’un continent : l’Afrique, objet de leur convoitise et dont le sort irrémédiablement allait être scellé.

Pendant qu’une à une les résistances étaient réduites à néant sous les coups de canon des envahisseurs et que conséquemment tombaient les royaumes, l’heure était venue de se partager l’énorme butin de guerre servi sous la forme d’un immense gâteau. Au banquet avaient pris part outre l’Allemagne, la Belgique et le Portugal, l’Autriche-Hongrie, le Danemark, l’Empire ottoman (actuelle Turquie), l’Espagne, la France, la Grande-Bretagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Russie, la Suède-Norvège, les États-Unis d’Amérique. Au change, aucun ne perdit ; chacun se taillant la part proportionnelle à ses ambitions, à son appétit.

Le roi Léopold II de Belgique qui n’avait pas lésiné sur les moyens pour financer l’initiative, reçut en retour, à titre personnel, un immense territoire de 2,5 millions de km2, le Congo, 81 fois plus grand que son propre Royaume. Sous le couvert de «mission civilisatrice», le continent fut systématiquement pillé, morcelé, dépecé, ses populations soumises, violées, exploitées, conscrites, déshumanisées. Jusqu’au bout, elles payèrent le prix fort. Dans la prétendue mise en valeur de leurs terres spoliées ; dans les guerres qu’elles livrèrent pour défendre leurs agresseurs contre la barbarie nazie et plus tard dans les luttes qu’elles engagèrent pour obtenir leur indépendance.

Plus d’un demi-siècle après cette dernière échéance, que reste-t-il du rêve et des espérances des pères des nations nouvelles ? Que reste-t-il de l’héritage qu’ils ont laissé aux générations suivantes ? L’indépendance est-elle toujours réalité ou est-elle devenue un mythe sans fin ? Comment se perpétue le partage de l’Afrique par ces mêmes nations hier présentes au banquet de Berlin? C’est à cette réflexion que sont invités les intellectuels africains à l’occasion de ce sinistre anniversaire. Car, à l’heure de la mondialisation et du village planétaire, des autoroutes de l’information, la dématérialisation de l’espace-temps par la domestication du cyberespace, les frontières n’ont jamais été aussi étanches entre l’Afrique et les anciennes métropoles.

Des métropoles qui continuent de s’enrichir de nos ressources et de nous écraser sous le poids de la dette. Pendant ce temps, ce sont des centaines, voire des milliers de nos jeunes fuyant la misère ou la guerre, ou simplement attirés par les sirènes de l’Occident, qui disparaissent chaque année dans le désert ou dans la mer, s’ils ne sont stoppés par les barbelés, enchaînés comme des criminels, avant d’être renvoyés dans le meilleur des cas chez eux, dans les charters de la honte.

C’est dire que le continent va toujours mal. Mal de la gouvernance de ses dirigeants dont l’essentiel de l’imagination va le plus souvent aux stratégies d’enrichissement personnel et de conservation du pouvoir. Mal de l’appétit toujours exacerbé de «ses amis» ou partenaires, prêts à tout pour obtenir ce qu’ils veulent : les ressources nécessaires à leur propre croissance, à leur sécurité, à leur confort. Quitte pour cela à renverser des régimes, provoquer des guerres, des famines, des épidémies, à jeter les populations sur les routes de l’exil et de la mort.

Le phénomène, présent un peu partout sur le continent, nous incline à mieux appréhender la crise multidimensionnelle qui frappe notre pays ainsi que toute la région sahélo-saharienne depuis une dizaine d’années. Notamment à nous demander pourquoi, sans avoir rien demandé, nous nous sommes retrouvés envahis par des hordes d’illuminés, mutilant et tuant de paisibles populations au nom d’une religion pourtant présente chez nous dès le premier siècle de sa révélation ? Pourquoi les armées amies venues à notre secours ont-elles sécularisé la guerre et en ont fixé les règles sans nous consulter ? Pourquoi elles nous ont déclarés persona non grata sur une partie significative de notre propre territoire ?

Si l’épisode glorieux de Konna nous avait permis un moment de rêver et de croire à la générosité humaine, nous avons vite déchanté. Et le réveil fut brutal après près de 9 longues années d’enlisement et de pourrissement, quand enfin nous avons compris que nos pompiers zélés étaient les vrais pyromanes et que leur funeste dessein était d’acter la partition de notre pays, décidée chez eux et soutenue par des responsables politiques de premier plan, des professeurs d’université et autres intellectuels de premier plan, des capitaines d’entreprises.

Aujourd’hui, les masques sont en train de tomber et le dépit est grand, comme est immense et profond le sentiment d’avoir été trahi. Les cris d’orfraie d’un hyper président démiurge blessé dans son amour propre ou les imprécations dissonantes de ses deux ministres de la guerre, n’y changeront rien. Les mêmes ministres qui, il y a peu, agonisaient d’invectives Américains, Britanniques et Australiens, coupables à leurs yeux d’avoir trahi dans l’affaire dite des sous-marins nucléaires.

Notre pays a commis le crime innommable de vouloir se libérer d’une fausse amitié qui ne lui a pas apporté que bonheurs. Cela explique les sanctions inhumaines qui nous sont infligées par des dirigeants africains, à l’instigation de vrais commanditaires tapis dans l’ombre. Le retrait précipité des troupes censées nous protéger ou le rappel des coopérants techniques présents dans nos administrations en sont des preuves. Et il y a fort à parier que d’autres coups bas sont en gestation.
Heureusement que dans notre malheur, nous ne sommes pas seuls. De vrais Africains existent encore et nous accompagnent.

Et il faut bien se rendre à l’évidence. La vieille Afrique, longtemps vache à lait des puissances occidentales, déversoir de leurs déchets en tout genre et de leurs produits avariés, terrain d’expérimentation de leurs nouvelles armes et de leurs nouvelles formes de guerre, est en train de se réveiller du coma profond dans lequel l’avaient plongée des décennies de soumission et de compromission. Elle demande aujourd’hui la reddition des comptes. Elle veut un ordre nouveau.
Partout sur le continent, la rue gronde, suscitant parfois des bruits de bottes et faisant ainsi trembler les palais et les assemblées installés sur des leurres de démocratie au terme d’élections tronquées.

L’espoir est encore permis, car l’Afrique peut se relever et s’en sortir. Elle dispose pour cela d’immenses terres arrosées par de grands fleuves, de milliers de kilomètres de côtes poissonneuses, de forêts luxuriantes et d’une biodiversité unique. Son sous-sol regorge de richesses infinies, dont les précieuses terres rares que l’industrie moderne s’arrache à prix d’or pour répondre aux impératifs de la révolution numérique. Et surtout, elle a une population dynamique, la plus jeune du monde.

Il ne lui reste qu’à reprendre confiance en elle-même, en ses énormes potentialités et à engager la mutualisation de ses ressources et de ses moyens. Sa diversité géographique, historique, culturelle et même linguistique, est elle-aussi un atout indéniable. Des exemples de réussite se multiplient (au Rwanda, au Botswana, à Maurice et même au Cap Vert) et des têtes de pont, géants économiques à l’instar de l’Afrique du Sud, du Nigéria, du Maroc, de l’Algérie ou même de l’Égypte, pourraient servir de locomotives pour tirer l’attelage. À condition, bien entendu qu’elles parviennent à se libérer de l’emprise du grand capital.

Mais, qu’on ne s’y trompe pas. L’hydre du libéralisme sauvage, nourrie par un néo-colonialisme solidement enraciné, ne se laissera pas facilement abattre.
Même s’il est évident que l’Afrique a suffisamment donné au monde et qu’elle est en droit d’attendre en retour de la solidarité, un éveil de conscience s’impose d’abord aux Africains eux-mêmes. Un changement de paradigme salvateur qui ne peut s’accommoder d’alternative.

À terme, il s’agira de construire une véritable union africaine. Politique certes, mais aussi économique, militaire, sociale. Une Afrique des solidarités, riche du savoir et du savoir-faire des uns et des autres. Certes, cette Afrique a besoin de plus d’écoles et de meilleures écoles. De systèmes de santé répondant à ses besoins spécifiques, de technologies capables de transformer ses immenses ressources en biens pour tous, d’infrastructures adaptées au service du développement. Elle a besoin d’une meilleure justice, d’une meilleure gouvernance de ses administrations et de ses finances.

Mais surtout, elle a besoin de femmes et d’hommes nouveaux, bien formés, conscients que l’avenir du continent passe devant le leur. Et prêts à briser les chaînes de la servitude, s’il le faut au péril de leurs vies, pour retrouver la dignité et l’honneur perdus. C’est à ce prix que nous Africains, pouvons espérer gagner le défi du développement. Et c’est dans cette dynamique que nos «amis» sincères, les vrais, pourraient nous aider. Sans arrogance ni condescendance. Simplement dans le respect des uns et des autres.

Gaoussou Haïdara, journaliste

Rédaction Lessor

Lire aussi : Vienne : Le ministre Mossa Ag Attaher participe à la 12è réunion du groupe de travail sur le trafic illicite de migrants

Le ministre des Maliens établis à l’Extérieur et de l’Intégration africaine, Mossa Ag Attaher, a participé à la 12è réunion du Groupe de travail sur le trafic illicite de migrants, organisée par le Bureau des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) à Vienne en Autriche..

Lire aussi : Révision annuelle des listes électorales : L’Aige entame sa mission de supervision à partir de ce mercredi

L’Autorité indépendante de gestion des élections (Aige) entame, ce mercredi, sa mission de supervision et de suivi des opérations de Révision annuelle des listes électorales (Rale) 2025 jusqu’au 30 octobre prochain à l’intérieur comme à l’extérieur du pays..

Lire aussi : Approvisionnement en carburant : Le gouvernement à pied d’œuvre

L’accompagnement des opérateurs économiques, la rétention de stocks de carburant, l’existence de circuits parallèles de distribution, les échanges avec les ports maritimes sont, entre autres sujets, qui ont été abordés lors de la rencontre du Comité interministériel de gestion de crise.

Lire aussi : Crise du carburant : le gouvernement renforce son plan d’action pour un approvisionnement durable

Sous la présidence du Premier ministre, le Général de division Abdoulaye Maïga, le Comité interministériel de gestion de crises et catastrophes (CIGCC) s’est réuni ce mardi 14 octobre 2025..

Lire aussi : Mopti : La solidarité comme socle des politiques économiques et sociales

Les activités de l’édition 2025 du Mois de la solidarité et de la lutte contre l’exclusion ont été lancées, jeudi dernier, dans la Région de Mopti. L’évènement était présidé dans la salle du gouvernorat par le gouverneur de la région, le Général de brigade Daouda Dembélé..

Lire aussi : Diplomatie : le Chef du gouvernement échange avec l’Amicale des anciens ambassadeurs et consuls généraux du Mali

Le Premier ministre, le Général de division Abdoulaye Maïga, a reçu ce vendredi 10 octobre 2025 une délégation de l’Amicale des anciens ambassadeurs et consuls généraux du Mali, conduite par son président, Dr Abdoulaye Amadou Sy..

Les articles de l'auteur

Fonds de soutien patriotique : Plus de 142 milliards de FCFA mobilisés au 30 septembre 2025

Le Fonds de soutien patriotique (FSP) poursuit sa dynamique de mobilisation nationale. Selon les chiffres publiés par le Comité de gestion, le vendredi 10 octobre, les recettes cumulées du FSP ont atteint 142.603.529.418 Fcfa au 30 septembre 2025, confirmant la forte adhésion des Burkinabè à cet instrument de solidarité nationale..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 15 octobre 2025 à 08:37

Burkina : Des panafricanistes célèbrent l’héritage de Thomas Sankara

Le Burkina Faso a officiellement lancé, ce lundi à Ouagadougou, les Rencontres internationales Carrefour Thomas Sankara, destinées pendant cinq jours, à perpétuer la mémoire et les idéaux de l’illustre panafricaniste révolutionnaire..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 15 octobre 2025 à 08:28

Niger : Le gouvernement renforce sa cybersécurité avec la création d’un centre national dédié

Le gouvernement nigérien a décidé de mettre en place un Centre national de cybersécurité (CNAC), renforçant ainsi ses efforts pour assurer la sécurité du cyberespace national. Deux projets de décrets ont été adoptés lors du Conseil des ministres du samedi 11 octobre, portant respectivement sur la création de l’institution et l’approbation de ses statuts..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 15 octobre 2025 à 08:26

AES : Les pays membres entendent coordonner les fréquences radioélectriques à leurs frontières

Le Directeur général de l’Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste (Arcep), le Colonel-major Idrissa Chaibou a présidé, ce lundi 13 octobre dans la salle des réunions de l’Arcep, la cérémonie d’ouverture des travaux de la réunion préparatoire à la réunion de coordination des fréquences radioélectriques aux frontières des pays membres de l’Alliance des États du Sahel..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 15 octobre 2025 à 08:24

Kangaba : Démarrage des travaux du principal caniveau

Les travaux de construction du principal caniveau qui traverse la ville de Kangaba ont démarré le jeudi 9 octobre. Ils sont financés par le budget de la Commune rurale de Minidian pour un montant total de 47.496.416 Fcfa. Le premier coup de pelle a été donné par le maire de cette commune, Mamby Keitadit By..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 15 octobre 2025 à 08:16

Vienne : Le ministre Mossa Ag Attaher participe à la 12è réunion du groupe de travail sur le trafic illicite de migrants

Le ministre des Maliens établis à l’Extérieur et de l’Intégration africaine, Mossa Ag Attaher, a participé à la 12è réunion du Groupe de travail sur le trafic illicite de migrants, organisée par le Bureau des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) à Vienne en Autriche..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 15 octobre 2025 à 07:44

Autriche : Le ministre Mossa Ag Attaher rencontre la communauté malienne de Vienne

En marge de la 12è réunion du Groupe de travail sur le trafic illicite de migrants, le ministre des Maliens Établis à l’extérieur et de l’Intégration africaine, Mossa Ag Attaher a rencontré, le samedi 11 octobre 202, la communauté malienne vivant à Vienne, en Autriche, ainsi que celles des autres pays de la Confédération des États du Sahel (AES)..

Par Rédaction Lessor


Publié mardi 14 octobre 2025 à 07:39

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner