#Mali : Note de lecture : Hommage au général Moussa Traoré

Secrétaire général de l’Union démocratique du peuple malien, président de la République, (26 septembre 1936-15 septembre 2020)

Publié mardi 09 janvier 2024 à 07:12
#Mali : Note de lecture : Hommage au général Moussa Traoré

Choguel Kokalla Maïga et Issiaka Ahmadou Singaré ont remis le métier sur l’ouvrage pour une publication de 329 pages sur «la vie et l’œuvre de Moussa Traoré, secrétaire général de l’Union démocratique du peuple malien, président de la République». Le lecteur est averti dès l’avant-propos par un boulet de canon tiré d’une artillerie actionnée contre la IIIème République. N’a-t-elle pas déçu les espoirs placés en elle ? N’a-t-elle pas installé le Mali dans la médiocrité et la décadence ? Le verdict ne vient pas d’ailleurs, mais des aveux publics «des acteurs eux-mêmes qui ne cessent de bomber le buste se déclarant fiers d’avoir mis fin à la dictature la plus sanguinaire d’Afrique occidentale».

Les auteurs écrivent : «Modibo Kéïta est constamment cité en référence. Père de l’indépendance nationale, il aurait engagé le Mali dans la voie du développement avant que Moussa Traoré ne vienne plonger le Mali dans la calamité. Pourtant, une seconde certitude, Modibo Kéïta reviendrait aujourd’hui parmi nous qu’il serait plus fier de Moussa Traoré que des acteurs du 26 Mars 1991…» Ce n’est pas tout. «… Au nom de l’indépendance authentique, de la souveraineté nationale, de l’honneur de l’Armée nationale, Modibo Kéïta a demandé à la France d’évacuer les bases militaires qu’elle occupait sur le territoire malien. Fidèle à cet idéal de liberté et de dignité, Moussa Traoré s’est refusé à une réinstallation de ces bases sur notre territoire. Modibo Kéïta a chassé les Français, Moussa Traoré les a tenus à distance. Leurs successeurs ont choisi la docilité, la soumission à leur égard», ajoutent-ils. (p.16)

Ils sont implacables sur la défense et le rôle de l’Armée. «Modibo Kéïta a considéré que la sécurité d’un État est un sujet sérieux pour être confiée à l’étranger. Avec le concours du général Abdoulaye Soumaré, il a créé une armée nationale, qu’il a voulu non coupée du peuple… Lui succédant, Moussa Traoré a donné à cette Armée ses lettres de noblesse : il l’a structurée, équipée, a accordé au recrutement et à la formation toute l’attention requise… La Grande Armée malienne de Modibo Kéïta et de Moussa Traoré a été méthodiquement émasculée par leurs successeurs sur injonction de la France. La conséquence : en janvier 2012, 500 apatrides venus de Libye font le coup de feu dans l’extrême nord du pays et la République s’effondre, perd plus de 2/3 de sa superficie.» (p.16-17)

Ils poursuivent : «Modibo Kéïta a procédé à une réforme de l’enseignement au Mali… Lui succédant, Moussa Traoré a consolidé son œuvre. Il a corrigé les insuffisances dues à une mise en œuvre effectuée dans la précipitation, restructuré l’enseignement secondaire général, technique et professionnel, parachevé la création de l’enseignement supérieur, crée l’enseignement post-universitaire. Ses successeurs, parmi lesquels un enseignant, se sont comportés vis-à-vis de l’enseignement au Mali tels des éléphants dans une boutique de porcelaine : ils ont tout cassé… (p.17)

Enfin, l’estocade : «Sous Modibo Kéïta, on avait honte de voler, sous Moussa Traoré, on avait peur de voler, sous les présidents démocratiquement élus, ne pas voler, ne pas détourner les deniers de l’État est un délit…»

Telles sont les balises qui ont guidé l’entreprise conjointe des auteurs, au nom de «l’appréciation qui doit être faite de l’histoire contemporaine du Mali». Celle-ci débute par la biographie expresse de Moussa Traoré, «Nabilaye Moussa» ou tout simplement «Namoussa» pour la famille et les intimes. Doué, Moussa est premier dans tout ce qu’il a entrepris : major du Soudan français lorsqu’il s’est présenté au concours d’entrée à l’école des enfants de troupes de Kati, major à la sortie, instructeur à l’École militaire Interarmes, rédacteur du programme de formation des officiers, rédacteur du manuel de la nomenclature des armes utilisées dans l’Armée malienne. Présent presque partout où le devoir l’a appelé, les auteurs rappellent que Moussa Traoré et Amara Danfaga, ont été les deux officiers au courant de la création du franc malien dont ils ont convoyé, à partir de la Guinée, les premiers billets. 

 

LE COUP D’ÉTAT DE 1968- Les auteurs donnent leur lecture du coup d’État de 1968, à partir de cinq causes : «les dissensions au sein de l’US-RDA, le culte de la personnalité, les difficultés économiques, les restrictions imposées aux libertés individuelles et les privations, les frustrations au sein de l’armée». (p.45) Ce sont les lieutenants Moussa Traoré, Youssouf Traoré et Kissima Doukara qui sont les concepteurs du renversement politique, avec un cercle qui comprendra finalement Filifing Sissoko, Amadou Baba Diarra,Tiékoro Bagayoko, Joseph Mara, Missa Koné et Mamadou Sanogo.

Voici Moussa Traoré, à la tête d’un Comité militaire de libération nationale qui aura à affronter une opposition intérieure, des tentatives de coup d’État, régulièrement contenues et une opposition civile, portée par les syndicats d’enseignants et d’élèves, sévèrement réprimée. Ils survolent le divorce entre les enseignants et Moussa Traoré. «Plus d’un enseignant a eu maille à partir avec le CMLN. Il ne faut cependant pas en conclure que la majorité des enseignants ont été des opposants. Parmi eux, certains ont choisi d’assumer leur militantisme de gauche. Une affaire dit des tracs (!) a conduit à  l’arrestation de plusieurs d’entre eux», écrivent-ils. (p.99). «Militantisme de gauche», voilà tout leur crime !

Face aux élèves, les auteurs réfutent l’idée qui était que «sous Moussa Traoré, les écoles étaient en crise». Ils argumentent : «Durant tout le temps qu’il a passé au pouvoir, l’ouverture des classes comme leur fermeture de même que les évaluations à mi-parcours et les examens de fin d’année ont toujours eu lieu aux dates retenues par les autorités compétentes». «Si l’ENSup et l’Ena, foyers de contestation qui a dégénéré, sont restées fermées une année, sous son régime, l’École n’a jamais connue d’année blanche», s’empressent-ils de relativiser. (p.101-102)

Le CMLN avait prévu six mois pour organiser des élections et se retirer. Sa forme militaro-civile va survivre pendant 23 ans avec comme base, le référendum constitutionnel de 1974 avec un score de 96,66% pour le Oui. C’est désormais le pouvoir de l’Union démocratique du peuple malien. En 23 ans, les auteurs ont égrené une série de réussites dans la défense et la sécurité, les infrastructures, l’agriculture, l’enseignement, la santé, l’encadrement de la jeunesse, les sports, les arts et la culture, les relations extérieures. Sous Moussa Traoré, le Mali était respecté dans le cercle des nations ; la voix du Mali comptait.

Sur l’histoire et dans l’histoire, il y a des silences, et même des omissions. Le registre des droits de l’Homme qui est sûrement la face cachée du soleil est rapidement évoqué. Péniblement, les auteurs ont fait allusion à «l’arrestation, au jugement et à la déportation» des capitaines Alassane Diarra et Diby Silas Diarra qui ont tenté de renverser Moussa Traoré, en 1969. «Les conditions inhumaines qu’ils ont vécues constituent un des faits de notre histoire récente qui n’auraient pas dû avoir lieu», concèdent-ils. (p. 92).

Sauf que le parcours est jalonné de plusieurs atrocités, plusieurs morts et plusieurs éclopés. Le bagne de Taoudenit ? Pas une ligne sur la mort de Abdoul Karim Camara dit Cabral, le leader estudiantin torturé, tué dans un camp militaire en 1977. Pas un mot sur la mort de l’élève Tiocary. C’est sous le CMLN que le militant progressiste sénégalais, le premier normalien du Sénégal, Omar Blondin Diop a été arrêté à Bamako et remis aux autorités sénégalaises. Il est mort le 11 mai 1973. Senghor a parlé d’un suicide par pendaison. Un silence de carpe sur la détention sans jugement, pendant dix ans de Modibo Kéïta et de ses compagnons. Pas une ligne sur la mort même de Modibo Kéïta ! Et pourtant le capitaine Sounkalo Samaké, dont ils citent le livre (Ma vie de soldat, La Ruche à Livres-Librairie Traoré, 2007 - 189 pages), est suffisamment loquace sur cette partie de notre histoire ! 

C’est troublant. Les auteurs ont bien précisé qu’ils ont écrit un «hommage» ; ils n’ont sélectionné que les points brillants.

Que retenir in fine ? Moussa Traoré appartient à la classe des patriotes de notre pays. Il a perpétré un coup d’État contre Modibo Kéïta et son régime, mais, dans les faits, à l’aune de la gestion de l’État, il peut être considéré comme un continuateur et même un des héritiers crédibles de Modibo Kéïta. L’exercice relève de la ratiocination. Il vient comme un pavé à rebrousse poils dans la lecture d’une histoire encore incandescente. Hier, on aurait parlé de propagande ; aujourd’hui on parle de communication. Or sur ce point, il ne s’agit pas de la vérité, mais de la perception de la vérité. Et cette vérité est bien écrite dans un style précis, quasi télégraphique. La maison d’édition a aussi donné une bonne perspective de l’ouvrage avec une présentation appréciable. Les auteurs ont bien spécifié que leur intention n’était pas polémique, mais il reste que la polémique est partout présente. Ce livre n’est que la première édition, ont précisé les auteurs sur la couverture. La suite est attendue. À lire.

 

Pr Ibrahim MAïGA

Auteur : Choguel Kokalla Maïga et Issiaka Ahmadou Singaré, Édition EDIS, Décembre 2023, 13.000 Fcfa

Rédaction Lessor

Lire aussi : 38è anniversaire de la disparition du président Thomas Sankara : le message d’hommage du capitaine Ibrahim Traoré

À l’occasion du 38è anniversaire de l’assassinat du Président Thomas Isidore Noël Sankara, le chef de l’État burkinabè, le capitaine Ibrahim Traoré, a rendu un vibrant hommage au père de la Révolution d’août 1983.

Lire aussi : Décès de l’ancien Premier ministre Soumana Sako: la Nation perd un homme d´Etat

L’ancien Premier ministre Soumana Sako a tiré sa révérence, ce mercredi 15 octobre 2025. Né en Nyamina en 1950, Soumana Sako a obtenu le Diplôme d’étude fondamentale (DEF) en juin 1967 et le Bac trois ans plus tard, en se classant dans les cas deux Premier national.

Lire aussi : Environnement : Les femmes de Siby à l’avant-garde de la sauvegarde

En plus d’être de ferventes agricultrices, les femmes de Siby sont aussi de véritables gardiennes de la nature. Elles assurent la protection de l’environnement avec leur savoir-faire.

Lire aussi : Journée internationale de la femme rurale : Hommage aux «NYeléni» de Siby

C’est aujourd’hui qu’on célèbre la Journée internationale de la femme rurale. À cette occasion, nous sommes allés à la rencontre des braves femmes de Siby dont la principale activité est de travailler la terre pour garantir la sécurité alimentaire dans la communauté et assurer leur a.

Lire aussi : Kangaba : Démarrage des travaux du principal caniveau

Les travaux de construction du principal caniveau qui traverse la ville de Kangaba ont démarré le jeudi 9 octobre. Ils sont financés par le budget de la Commune rurale de Minidian pour un montant total de 47.496.416 Fcfa. Le premier coup de pelle a été donné par le maire de cette commune, Mamb.

Lire aussi : Diéma : Des consignes claires pour éviter une pénurie de carburant

Le 2è adjoint au préfet de Diéma, Attayoub Ould Mohamed, à la tête d’une délégation restreinte, comprenant le 2è adjoint au maire de la Commune rurale de Diéma, Nakounté Sissoko, le chef du service subrégional du commerce et de la concurrence, Mamby Kamissoko, et des éléments des Forc.

Les articles de l'auteur

Fonds de soutien patriotique : Plus de 142 milliards de FCFA mobilisés au 30 septembre 2025

Le Fonds de soutien patriotique (FSP) poursuit sa dynamique de mobilisation nationale. Selon les chiffres publiés par le Comité de gestion, le vendredi 10 octobre, les recettes cumulées du FSP ont atteint 142.603.529.418 Fcfa au 30 septembre 2025, confirmant la forte adhésion des Burkinabè à cet instrument de solidarité nationale..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 15 octobre 2025 à 08:37

Burkina : Des panafricanistes célèbrent l’héritage de Thomas Sankara

Le Burkina Faso a officiellement lancé, ce lundi à Ouagadougou, les Rencontres internationales Carrefour Thomas Sankara, destinées pendant cinq jours, à perpétuer la mémoire et les idéaux de l’illustre panafricaniste révolutionnaire..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 15 octobre 2025 à 08:28

Niger : Le gouvernement renforce sa cybersécurité avec la création d’un centre national dédié

Le gouvernement nigérien a décidé de mettre en place un Centre national de cybersécurité (CNAC), renforçant ainsi ses efforts pour assurer la sécurité du cyberespace national. Deux projets de décrets ont été adoptés lors du Conseil des ministres du samedi 11 octobre, portant respectivement sur la création de l’institution et l’approbation de ses statuts..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 15 octobre 2025 à 08:26

AES : Les pays membres entendent coordonner les fréquences radioélectriques à leurs frontières

Le Directeur général de l’Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste (Arcep), le Colonel-major Idrissa Chaibou a présidé, ce lundi 13 octobre dans la salle des réunions de l’Arcep, la cérémonie d’ouverture des travaux de la réunion préparatoire à la réunion de coordination des fréquences radioélectriques aux frontières des pays membres de l’Alliance des États du Sahel..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 15 octobre 2025 à 08:24

Kangaba : Démarrage des travaux du principal caniveau

Les travaux de construction du principal caniveau qui traverse la ville de Kangaba ont démarré le jeudi 9 octobre. Ils sont financés par le budget de la Commune rurale de Minidian pour un montant total de 47.496.416 Fcfa. Le premier coup de pelle a été donné par le maire de cette commune, Mamby Keitadit By..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 15 octobre 2025 à 08:16

Vienne : Le ministre Mossa Ag Attaher participe à la 12è réunion du groupe de travail sur le trafic illicite de migrants

Le ministre des Maliens établis à l’Extérieur et de l’Intégration africaine, Mossa Ag Attaher, a participé à la 12è réunion du Groupe de travail sur le trafic illicite de migrants, organisée par le Bureau des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) à Vienne en Autriche..

Par Rédaction Lessor


Publié mercredi 15 octobre 2025 à 07:44

Autriche : Le ministre Mossa Ag Attaher rencontre la communauté malienne de Vienne

En marge de la 12è réunion du Groupe de travail sur le trafic illicite de migrants, le ministre des Maliens Établis à l’extérieur et de l’Intégration africaine, Mossa Ag Attaher a rencontré, le samedi 11 octobre 202, la communauté malienne vivant à Vienne, en Autriche, ainsi que celles des autres pays de la Confédération des États du Sahel (AES)..

Par Rédaction Lessor


Publié mardi 14 octobre 2025 à 07:39

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner