
Du seul fait d’un obscur chef de
bataillon, «l’Adrar sera laissé aux Iforas et ceux à qui il plaira aux Français
d’y installer». Nous sommes en 1907 avec la «Convention de Bourem», l’arme de
l’imposture fumante qui gangrène la quiétude du Mali, soixante ans après son
indépendance. Retour sur la douloureuse histoire d’un artéfact phosphorescent
en cette période où les Maliens parlent aux Maliens.
De nos jours, à plus de mille
kilomètres de Bamako, plusieurs de nos compatriotes ne comprennent pas la
logique ce monstre, longtemps perçu comme un pénitencier, une zone de punition
et de relégation, un bagne horrible. Nombreux sont les cadres et les politiques
qui n’ont pas encorecompris la complexité géostratégique, la densité des
ressources naturelles et environnementales de cette zone.
C’est pourquoi, il
convient de faire un recours à l’histoire pour comprendre les enjeux et les
fondements d’une doctrine coloniale qui a servi et qui sert encore de
bréviaire, aussi bien à l’ancienne puissance coloniale qu’à l’aristocratie
imposée et à la kyrielle de criminels qui vivent de cette situation.
Les écritures des officiers et des
administrateurs coloniaux nous donnent des indications précises sur les
contours de la création et la gestion d’un espace dévolu aux seuls Iforas d’une
partie de l’Adrar, en l’occurrence Kidal.
Sur la carte, il y a trois Adrar. En Algérie, il y a encore la Commune et la Région de l’Adrar, à mi-chemin entre Béchar et Tindouf. Ce nom est symbolique pour ceux qui travaillent sur le contentieux du Saharaoui, point névralgique de la discorde entre le Maroc et l’Algérie depuis 1975.
En Mauritanie, l’Adrar est la
septième région administrative, avec pour capitale la ville d’Atar. Situé au
centre du pays, l’Adrar est ici aussi d’un intérêt géostratégique certain, car
constitue un lieu d’observation privilégié, sur le plan militaire. L’École
militaire inter-Arme d’Atar en est l’un des fleurons. Ould Taya l’un des
anciens présidents du pays, y a vu le jour en 1941.
L’Adrar des Ifoghas se trouve dans le Nord-Est du Mali sur une superficie de 250.000 km2. À titre de comparaison, la Suisse a une superficie de 41.285 km2. En Afrique, la République du Togo fait 56.600 km2, la République du Bénin fait 44.131 km2 et le Burkina Faso 274.200 km2.
En 1927, Théodore Monod, à la
tête d’une équipe de recherche, a découvert ici «l’Homme d’Asselar», un
squelette fossile quasi complet d’Homo sapiens datant d’une époque où le Sahara
était humide. Voilà, sommairement pour la géographie. Les linguistes et les
socio-linguistes aident à comprendre cette aridité en y conférant un sens
humain, sens tiré de la langue parlée ici, en l’occurrence le «tamachek» et
ceux qui parlent cette langue, les «kel tamachek». L’Adrar a pour signification
«la montagne», l’Adagh» et les habitants se désignent eux-mêmes par le terme de
«kel Adagh».
«L’Adrar», un sujet conflictuel à
la base- Au-delà des contours actuels de la République du Mali, il faut se
placer dans la perspective de la période coloniale pour comprendre l’alliance
entre la géographie et la politique dans l’ancrage administratif de la région. En 1905, la Convention du 7
février 1905, entre le ministre des Colonies et celui de l’Intérieur fixe les
limites entre l’Algérie et l’Afrique occidentale française. Suivant cette
convention, les «Kel Hoggar» sont rattachés à «l’Algérie française» ; les «
foghas» eux sont rattachés à la colonie du Soudan français. Cette convention
est venue mettre un terme à certaines ambitions stratégiques dont la lame de
fond visait un ralliement des «Ifoghas» à l’Algérie.
Pierre Boiley décrit ces
tractations sous la table dans son livre : «Les touareg Kel Adagh/Dépendances
et révoltes/Du Soudan français au Mali contemporain » (Karthala 2012). On
trouve à la page 67 de ce document une présentation synoptique de la position
des «Kel Adagh», avant la colonisation : «Au moment de l’arrivée des Français,
la situation politique des «Kel Adagh» était encore précaire : autonomes mais
non indépendants et ne formant pas un groupement politique à eux seuls, mais au
contraire ayant à composer avec les puissants groupements politiques voisins,
«Kel Ahagar» et «Oullimindens», libres mais n’étant pas considérés comme aussi
nobles que leurs voisins, payant des tributs mais en passe de s’en libérer sous
l’égide de la famille Illy, hors de l’autorité coloniale enfin, mais encerclés
et parfaitement conscients de la force des Français qui avaient su réduire à
néant les résistances issues des tribus qui pouvaient aligner des centaines de
guerriers et qui possédaient une capacité guerrière qu’eux-mêmes n’avaient
jamais eue».
Dans le jeu complexe de l’aube coloniale, les «Kel Adagh» ont fait
une lecture assez intelligente des rapports de force pour ne pas opposer une
résistance frontale aux troupes françaises. En 1903, la France était déjà
installée en Algérie. C’est à cette période que les premiers contacts ont été
noués. Au mois de novembre de la même année, après des échanges épistolaires,
les «Kel Adagh» ont offert «pacifiquement» leur soumission aux Français.
LA RAPIDE ALLÉGEANCE DES IFOGHAS-
Les Iforas ont de tout temps été des habiles négociateurs de leur situation
avec une idée précise des rapports de force. Avec la France, ils ont tout fait
pour éviter l’affrontement. Boiley rapporte les termes d’un témoignage du
capitaine Pasquier qui, en 1903, était à la tête du Cercle de Bamba : «… je
recevais une lettre de Illy, chef des Iforas, offrant sa soumission.
Cette
lettre était envoyée à Tombouctou au lieutenant-colonel commandant le
territoire militaire, et je retenais à Bourem l’envoyé d’Illy. Celui-ci, au
bout de quinze jours, demandait à partir et disparaissait le jour même dans la nuit,
devant les réponses un peu vagues qui lui avaient été faites. La question de la
soumission des Iforas restait donc sans solution, aucune réponse, du moins à ma
connaissance n’ayant été faite.» (Rapport du capitaine Pasquier, Commandant la
2ème compagnie du bataillon de Tombouctou et le cercle de Gao, 28 mai 1907,
ANM).
Le 20 novembre 1903, l’Assemblée
des «Ifoghas» envoie une lettre au capitaine Alexis Métois, représentant
l’autorité algérienne à In Salah. (Rapport du capitaine Métois du 9 novembre
1903, Archives nationales, série géographique AOFIV 4.) Le capitaine Métois a
écrit un livre important intitulé «La Soumission des Touareg du Nord :
1900-1904» (édition Jacques Gandini, Première édition 1906). Pourquoi, les «Kel Adagh» ont-ils
offert leur soumission à l’Algérie et non au Soudan ? Pourquoi, s’ils se sont
effectivement tournés vers le nord, ont-ils été finalement rattachés au sud, au
Soudan, et non à l’Algérie ? Ces questions ont été soulevées par Pierre Boiley
qui en donne également des éléments de compréhension : «Cette interrogation
n’est pas anodine, ni seulement factuelle. À travers cette résolution, ce sont
les réalités des stratégies croisées des «Kel Adagh», des «Kel Ahagar», des
«Oullimindens» (Ouvrage précité) et des
Français qui sont en jeu.
LA CONVENTION DE BOUREM- Pierre Boiley qui a beaucoup travaillé sur cette question a revisité le procès-verbal des pourparlers ayant abouti à la signature de la Convention. Il a insisté sur «l’affranchissement» qui venait d’être accordé aux Iforas : «Les Iforas sont indépendants et relèvent directement de la Région de Gao. Ils n’ont plus rien à payer à leurs voisins et deviennent enfin les maîtres chez eux.»
Les conclusions sont encore plus
précises en ce qui concernent les Kel Ahagar qui étaient aussi une des parties
prenantes : «il est entendu que les Hoggars restent en dehors de la question,
comme étrangers au pays». (p.90). Le point n°7 des conclusions s’adresse
expressément aux Oulliminden en ces termes : «Les Oullimindens n’ont aucune attache
dans l’Adrar».
Le procès-verbal de la réunion relate des faits insolites et
inédits comme le marchandage entrepris par Firhoun pour faire prévaloir ses
prétentions sur les Iforas. «… Firhoun réclame d’abord toutes les tribus
imrads, puis simplement un partage des troupeaux, enfin au moins un cadeau
d’adieu. Les Iforas refusent énergiquement et avec raison. Le chef de bataillon
les soutient et les Oulliminden abandonnent toute prétention». Firhoun n’est
pas content, et il va le faire savoir.
Le 15 septembre 1907, à Bourem,
le commandant Bétrix est parvenu à signer un document supposé mettre un terme à
la belligérance entre les Ifoghas, les Oulliminden et les Kounta. Il convient
aussi de décortiquer cette convention au-delà du simple fait qu’il accorde un territoire
aux Ifoghas. Pour le déroulement des évènements, l’Amenokal Firhoun ne s’est
pas rendu à Bourem. Il y a plutôt envoyé un représentant en la personne de
Ibrahim. Il en fut de même pour Hamoadi, le chef des Kounta dont le
représentant était Rhatari. C’est devant eux que le commandant Bétrix, en sa
qualité de Commandant de la Région de Tombouctou a «décidé».
Il a décidé
d’abord pour faire la police entre les Oulliminden et les Kounta.
Principalement, les Oulliminden avaient enlevé aux Kounta, 80 personnes. Ils
vont devoir les rendre tout comme ils devront rendre aux Kounta dix fusils. De
leur côté, les Kounta rendront à Firhoun un fusil et 40 sabres. Ces
restitutions se feront à Bamba qui, à l’époque était déjà un Cercle ou entre
les mains du Commandant de poste dans un délai de trois mois.
Bétrix a aussi pensé à anticiper
sur les troubles ultérieurs. En cela, il va délimiter les terrains de parcours
en trouvant une zone tampon entre les Kounta et les Oulliminden, « une zone que
les deux tribus ne pourront plus occuper ». Ainsi, « les Kountas s’engagent
donc à ne plus entrer dans l’Adrar et à ne plus dépasser la ligne Bourem,
Adjamorte, In-Tassit, Tabankort, etc… ». Dans la même lancée, les Oulliminden
ne dépasseront pas la ligne Tondibi, Kerchoule, Anoumallen, Kidal, etc…. »
L’Adrar aux Ifoghas
C’est le point culminant de cette
convention. « L’Adrar sera laissé aux Iforas et ceux à qui il plaira aux
Français d’y installer », lit-on dans le texte. Désormais, ni les Oulliminden,
ni les Kountas ne peuvent avoir des prétentions sur l’Adrar qui n’a que deux
propriétaires, à savoir les Iforas et les Français. Donc désormais, on ne
parlera que de l’Adrar des Iforas. Telle fut l’histoire. Telle fut également la
base de la doctrine française sur l’Adrar. Telle fut, à partir du choix
délibéré des Français, la consécration de l’hégémonie des Iforas au détriment
de tous les autres occupants et même face à l’État.
L’équation de Attaher Ag Illy- Le
tableau politique de l’Adrar a gagné en lisibilité : les Algériens et les
Hoggars sont mis hors jeu. Les Kountas sont tenus en respect. Et les
Oulliminden vont subir une sanglante répression sur les bords de la mare de
Andéraboukane en 1916. Les Iforas et les Français deviennent des alliés à
partir de 1908. L’administration peut poser ses balises : ouverture du poste
militaire de Kidal, le peloton méhariste de Arawane de la 1ère Compagnie, la
section méhariste de Kidal de la 2ème Compagnie de Gao, section méhariste de
Ménaka en 1915, installation des « Groupes nomades, création de Goums…
Va se poser la question des chefs
et du choix des chefs. Désormais ce sont les officiers français qui nomment et
destituent les chefs qui ne leur sont pas dociles. Par exemple, le lieutenant
Charpentier propose la destitution de Ahmed Ag Seydou de la tribu des Kel
Tarlit en 1935. « … Non seulement il a peu d’autorité mais ce peu même il
l’emploie mal. Ahmed s’occupe beaucoup plus de récupérer l’argent pour
s’acheter des boubous de prix que pour payer son impôt. Enfin pour compléter le
personnage, il est maintenant sous le coup d’un mandat d’amener que je viens de
décerner contre lui.
Il est inculpé de vol d’un troupeau de moutons appartenant
à un amrid Iforas, troupeau qu’il aurait essayé de vendre à Ménaka. Il est en
fuite. Je demande sa destitution. » (Rapport du lieutenant Charpentier du 2
mars 1935). Le lieutenant propose de mettre la tribu sous tutelle, sous
l’autorité directe de Attaher Ag Illy en avançant que « il a assez d’influence
personnelle et dispose avec ses partisans d’assez de moyens coercitifs pour
faire marcher la tribu…»
Depuis 1903, la France a opté
pour une alliance avec les Iforas. Envers et contre tous, elle a choisi la
famille de Attaher Ag Illy en faisant une principauté. Cette réalité qui vient
de l’histoire coloniale est encore de mise quand il s’agit de parler de la
Région de Kidal. Mais la vérité de l’histoire est aussi connue. Derrière les
schémas, il y a la problématique des ressources naturelles et
environnementales.
Pr Ibrahim MAÏGA
TEXTE INTÉGRAL
Après avoir entendu Ibrahim, représentant de Firhoun, et Rhatari, représentant de Hamoadi, le chef de Bataillon commandant la région de Tombouctou a décidé ce qui suit :
1°) Les Oulliminden rendront tous les bellahs pris aux Kounta, soit 80 personnes.
2°) Les Oullimden rendront 10 fusils aux Kountas.
3°) Les Kountas rendront le fusil réclamé par Firhoun.
4°) Les Kounta rendront 40 sabres aux Oulliminden.
5°) Aucun troupeau ne sera rendu.
6°) Aucune dia ne sera demandée aux Oulliminden par les Kountas, ni par les Kountas aux Oulliminden.
7°) Les Kountas ne rendront aucune autre chose.
Ces restitutions seront faites à Bourem, entre les mains du Commandant du Cercle de Bamba, ou au Commandant de poste, qui les fera parvenir à qui de droit.
Trois mois de délais sont donnés aux deux tribus pour exécuter cet ordre, c’est-à-dire que tout devra être rendu avant le huitième jour du mois de Fadkal Essani (15 décembre 1907).
De plus, afin que de nouvelles
causes de troubles ne surgissent entre les deux tribus, il est nécessaire que
leurs terrains de parcours soient séparés par une contrée que les deux tribus
ne pourront plus occuper.
Les Kountas s’engagent donc à ne plus entrer dans l’Adrar et à ne plus dépasser la ligne Bourem, Adjamorte, In-Tassit, Tabankort, etc…
D’autre part, les Oulliminden ne dépasseront pas la ligne Tondibi, Kerchoule, Anoumallen, Kidal, etc….
L’Adrar sera laissé aux Iforas et ceux à qui il plaira aux Français d’y installer.
Quand à Baye Ould Sidi Amor
(Kounti), il pourra rester à Téléya, mais à la première difficulté soulevée à
cause de lui, les Français le feront sortir de ce pays.
La tribu des Iforas sera indépendante des autres tribus et ne relèvera plus que du Commandant de l’annexe de Bourem.
Clauses spéciales aux Oulliminden
Restitutions à faire à deux commerçants de Tombouctou qui ont été razziés par les Oulliminden en même temps que les Kountas.
Restitution à faire à un
commerçant de Dori, razzié par les mêmes Oulliminden.
Bourem, 15 septembre 1907
Signé : Laverdure
Chef de bataillon commandant la Région de Tombouctou.
Source : page 318 “ Les Touareg du Niger, région de Tombouctou-Gao. Les Oulliminden, RICHER Dr. Ange, Larose, 1924
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