Multipartisme intégral : La classe politique divisée sur la limitation du nombre des partis

Notre pays compte aujourd’hui plus de 270 partis politiques selon les chiffres officiels. Cette pléthore pour une jeune démocratie comme la nôtre suscite un débat au sein de l’opinion et la classe politique. Alors que certains pensent qu’il faut rendre drastiques les conditions de création des partis, d’autres estiment qu’il y a plutôt lieu de songer à la dissolution de ceux qui ne participent pas suffisamment à l’animation de la vie politique

Publié mardi 06 septembre 2022 à 06:04
Multipartisme intégral : La classe politique divisée sur la limitation du nombre des partis

 Les partis politiques utilisent les espaces publics pour les mobilisations de masse

 

Avec l’avènement de la démocratie, arrachée au prix du sang, notre pays a opté  pour le multipartisme intégral, en mettant fin au règne sans partage de l’Union démocratique du peuple malien (UDPM), le parti unique constitutionnel.

Déjà sous la Transition de 1991, après l’Acte fondamental, la 2è ordonnance qui a été adoptée par le Comité de transition pour le salut du peuple (CTSP), à l’époque, nous conduisait au pluralisme politique, rappelle Dr Mamadou Samaké, enseignant-chercheur à la Faculté des sciences administratives et politiques de Bamako.

Le politologue ajoute que la Conférence nationale de juillet-août 1991, qui a jeté les bases du Mali démocratique, a adopté la Constitution dont l’article 28 prévoit que ce sont les partis politiques qui concourent à l’expression du suffrage dans le respect des principes de la démocratie et du multipartisme.


Il y a eu aussi l’adoption d’une Charte des partis politiques qui a fait l’objet de révision plusieurs fois. « à l’époque, les Maliens avaient en bloc rejeté le financement public des partis politiques. Du coup, il n’y avait pas beaucoup de formations », se souvient l’universitaire, qui ajoute que plus tard, il y a eu l’organisation du forum politique national d’octobre 1998 à janvier 1999 dont l’une des recommandations a été d’aller au financement public des partis politiques à travers une révision de la Charte.


Car, au-delà de la fonction électorale, les formations  politiques  doivent, désormais, assurer notamment, les missions d’éducation des militants, d’encadrement des élus ainsi que d’information et de sensibilisation de leurs membres et de l’opinion nationale.

« C’est au regard de cette mission de service public qu’il a été introduit un financement public des partis politiques, au prorata de 0,25% des recettes fiscales nationales sous réserve de certaines conditions », explique Dr Mamadou Samaké. D’après lui, le fait que 15% de ce financement soit octroyé à tous les partis politiques ayant déposé des listes aux élections, qu’ils aient eu des élus ou non, peut en partie expliquer leur multiplicité.

 

PLÉTHORE- Selon les données officielles, notre pays compte aujourd’hui plus de 270 partis politiques. D’après les spécialistes, la plupart de ces formations n’animent guère la vie politique et font fi des règles en la matière. également, nombre de ces partis sont des « faire-valoir ». Pour ce faire, ils se positionnent lors des élections, notamment les présidentielles, pour s’aligner derrière les grands favoris et ainsi tirer leur épingle du jeu.

Face à cette situation, nombreux sont les Maliens qui ne se reconnaissent plus dans l’action politique et ne cachent pas leur déception par rapport au comportement de certains hommes politiques.


Aujourd’hui, des voix s’élèvent pour demander de mettre de l’ordre dans le secteur. Cela a été exprimé au cours de plusieurs rencontres d’envergure nationale dont le Dialogue national inclusif (DNI). Aussi, les Assises nationales de la refondation (ANR) en ont fait une de leurs recommandations, demandant la réduction du nombre des partis politiques en appliquant des conditions restrictives de leur création et de leur financement.

Sur la question, la classe politique est divisée. Si certaines formations sont favorables à la réduction, d’autres s’y opposent catégoriquement. « Comme tous les Maliens, j’estime que le nombre de partis devrait être beaucoup moins élevé que le nombre comptabilisé ce jour », pense Moussa Mara, ancien président du parti Yélèma (le Changement). L’ancien Premier ministre propose comme solution de retirer le récépissé aux partis qui ne prennent pas part aux élections. Selon lui, il y a au moins 200 formations politiques dans cette situation.


Naturellement, ces partis ne comptent aucun élu. Moussa Mara demande en outre de mettre fin à l’existence de tout parti qui n’est pas présent sur au moins les 2/3 du territoire. Il soutient qu’une entité politique ne peut conquérir et exercer le pouvoir dans cette situation.


« En adoptant cette règle, on aurait moins de 20 partis dans notre pays, ce qui correspond à la réalité effective », estime l’ancien chef de gouvernement. Cela est d’autant plus nécessaire que peu de nos compatriotes peuvent citer le nom de plus de 15 partis politiques, souligne Moussa Mara.

De son côté, le président du Congrès national d’initiative démocratique (Cnid Faso Yiriwa ton), Me Mountaga Tall pense que la situation actuelle est dommageable pour les citoyens, l’état et la classe politique. Toutefois, le leader politique ajoute qu’il ne faudrait pas remettre en cause le principe du multipartisme intégral. D’après lui, celui-ci est un acquis démocratique extrêmement important. Et ce principe n’est pas en cause mais l’usage qui en a été fait. « Dès que la Constitution a fini d’affirmer le principe du multipartisme intégral, elle a dit que celui-ci s’exerce dans le cadre des lois.


Donc, ce sont les lois qu’il faut visiter, aujourd’hui », préconise l’ancien ministre pour qui ces règles sont de véritables passoires qui permettent de faire tout et n’importe quoi sans conséquence. Me Tall propose de trouver, sur la base d’une concertation élargie avec l’ensemble des forces politiques et institutionnelles, les textes qui permettent aux partis d’exister, de s’exprimer, mais de façon représentative et à apporter un plus à la vie démocratique de notre pays.

Le leader politique signale, par ailleurs, qu’il faut rendre drastique l’accès au financement public des partis politiques. Mais aussi, contrôler l’usage que l’on fait de ces fonds. Mountaga Tall appelle à la sanction la plus sévère au cas où l’on constate que le moindre centime de cette aide est détourné de l’objectif réel. « On ne peut pas créer un parti juste pour bénéficier de fonds publics que l’on utilise pour soi », martèle le président du Cnid, qui explique aussi qu’on  ne peut vouloir avoir une démocratie saine avec des partis faibles ou des partis multipliés à l’infini.


« En lieu et place de la limitation des partis politiques, j’opte pour des ajustements, voire le durcissement des conditions de création, d’organisation des formations et la stricte application des textes existants, surtout pour la suspension ou le retrait des récépissés en cas de manquements », indique, de son côté, Yaya Sangaré, secrétaire général de l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la justice et la solidarité (Adema-PASJ).

Pour l’ancien ministre, la solution pourrait venir de la prise de conscience des acteurs politiques eux-mêmes pour l’intérêt supérieur du pays doublée d’une conscience politique élevée du peuple et de l’implication effective de l’administration publique dans le contrôle des activités des partis.

« En définitive, aucune limitation ne doit être apportée à la création des partis politiques. L’exercice de ce droit ne doit faire l’objet de restrictions que si   celles-ci sont compatibles avec les normes internationales communément admises pour le confort de la démocratie pluraliste », soutient Yaya Sangaré. Sur le sujet, nous avons tenté de faire réagir la direction générale de l’administration du territoire, sans succès.

 

DISSOLUTION- À ce niveau, l’enseignant-chercheur Mamadou Samaké déplore le fait que la Charte des partis politiques ne prévoit pas de dispositions pour la dissolution des formations. « Sinon, j’en connais, de 1992 à nos jours, des partis qui n’ont jamais eu un seul élu », déclare le politologue. Pour lui, il est trop facile de créer une entité politique dans notre pays.


« Trois, quatre ou cinq personnes peuvent se mettre ensemble dans une chambre, dire qu’elles ont fait une assemblée constitutive. Ces individus élaborent les statuts et règlement intérieur ainsi qu’un procès-verbal de l’assemblée générale avec les noms des membres fondateurs qu’ils vont déposer au niveau du ministère de l’Administration territoriale. En une semaine, dix jours voire un mois, ils obtiennent leur récépissé », déplore Dr  Mamadou Samaké.

Toutefois, au regard du rôle prépondérant que la Constitution a conféré aux partis politiques, l’universitaire pense qu’il faut renforcer les dispositions relatives à leur création. Certes, il y a 273 partis politiques dans notre pays, mais il n’existe pas  autant de visions. Alors qu’un parti, c’est une vision pour le pays qui se traduit en programme pour la réalisation duquel, ses membres vont à la conquête de l’électorat. Et une fois investis du mandat des citoyens, ces derniers viennent appliquer ce programme, analyse Dr Samaké.

Par ailleurs, l’universitaire estime qu’il faut prévoir dans la Charte, des dispositions pour éviter qu’il y ait des partis communautaires. De son point de vue, il faut envisager des dispositions pour la dissolution. à ce propos, l’enseignant-chercheur indique par exemple, que les Mauritaniens ont révisé leur Charte des partis politiques en précisant que de leur création à une certaine date, toutes les formations qui n’ont jamais eu de conseillers ou de députés sont considérées comme dissoutes.

Le politologue évoque, en plus, le récent tirage au sort pour la désignation des membres des partis politiques à l’Autorité indépendante de gestion des élections (Aige) qui a eu lieu en raison du désaccord au sein de la classe politique.


« On ne devait pas en arriver là. Les critères relatifs au financement public des partis politiques auraient pu être retenus comme ceux pour l’éligibilité au niveau de l’Aige. Mais, face à l’incapacité des acteurs politiques de s’entendre, l’opportunité qui restait était le tirage au sort », regrette notre interlocuteur, tout en signalant qu’aucun grand parti politique de la place ne fait partie des « chanceux ». 

L’enseignant-chercheur pense qu’à l’image des sociétés européennes, il est possible d’envisager des courants politiques dans notre pays. « Mais à condition que les acteurs politiques puissent se dépasser, se transcender et mettre le Mali au cœur de leurs préoccupations plus que les considérations personnelles », soutient  Dr Mamadou Samaké.

Cela est d’autant plus important que de l’instauration du pluralisme politique à aujourd’hui, note-t-il, il n’y a pas un seul grand parti qui n’a pas fait l’objet d’une, deux ou trois scissions.

Bembablin DOUMBIA

Lire aussi : Vienne : Le ministre Mossa Ag Attaher participe à la 12è réunion du groupe de travail sur le trafic illicite de migrants

Le ministre des Maliens établis à l’Extérieur et de l’Intégration africaine, Mossa Ag Attaher, a participé à la 12è réunion du Groupe de travail sur le trafic illicite de migrants, organisée par le Bureau des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) à Vienne en Autriche..

Lire aussi : Révision annuelle des listes électorales : L’Aige entame sa mission de supervision à partir de ce mercredi

L’Autorité indépendante de gestion des élections (Aige) entame, ce mercredi, sa mission de supervision et de suivi des opérations de Révision annuelle des listes électorales (Rale) 2025 jusqu’au 30 octobre prochain à l’intérieur comme à l’extérieur du pays..

Lire aussi : Approvisionnement en carburant : Le gouvernement à pied d’œuvre

L’accompagnement des opérateurs économiques, la rétention de stocks de carburant, l’existence de circuits parallèles de distribution, les échanges avec les ports maritimes sont, entre autres sujets, qui ont été abordés lors de la rencontre du Comité interministériel de gestion de crise.

Lire aussi : Crise du carburant : le gouvernement renforce son plan d’action pour un approvisionnement durable

Sous la présidence du Premier ministre, le Général de division Abdoulaye Maïga, le Comité interministériel de gestion de crises et catastrophes (CIGCC) s’est réuni ce mardi 14 octobre 2025..

Lire aussi : Mopti : La solidarité comme socle des politiques économiques et sociales

Les activités de l’édition 2025 du Mois de la solidarité et de la lutte contre l’exclusion ont été lancées, jeudi dernier, dans la Région de Mopti. L’évènement était présidé dans la salle du gouvernorat par le gouverneur de la région, le Général de brigade Daouda Dembélé..

Lire aussi : Diplomatie : le Chef du gouvernement échange avec l’Amicale des anciens ambassadeurs et consuls généraux du Mali

Le Premier ministre, le Général de division Abdoulaye Maïga, a reçu ce vendredi 10 octobre 2025 une délégation de l’Amicale des anciens ambassadeurs et consuls généraux du Mali, conduite par son président, Dr Abdoulaye Amadou Sy..

Les articles de l'auteur

Décès de l’ancien Premier ministre Soumana Sako: la Nation perd un homme d´Etat

L’ancien Premier ministre Soumana Sako a tiré sa révérence, ce mercredi 15 octobre 2025. Né en Nyamina en 1950, Soumana Sako a obtenu le Diplôme d’étude fondamentale (DEF) en juin 1967 et le Bac trois ans plus tard, en se classant dans les cas deux Premier national.

Par Bembablin DOUMBIA


Publié mercredi 15 octobre 2025 à 11:05

Révision annuelle des listes électorales : L’Aige entame sa mission de supervision à partir de ce mercredi

L’Autorité indépendante de gestion des élections (Aige) entame, ce mercredi, sa mission de supervision et de suivi des opérations de Révision annuelle des listes électorales (Rale) 2025 jusqu’au 30 octobre prochain à l’intérieur comme à l’extérieur du pays..

Par Bembablin DOUMBIA


Publié mercredi 15 octobre 2025 à 07:41

Région de Tombouctou : L'Armée neutralise plusieurs terroristes

Dans un communiqué datant de ce mardi 14 octobre 2025, l´État-major général des Armées a révélé le bilan des opérations du 13 octobre dernier dans la Région de Tombouctou..

Par Bembablin DOUMBIA


Publié mardi 14 octobre 2025 à 16:09

Présentation du rapport 2024 du Cinsere-FNR : La mise en place du juge des libertés et de la détention au centre des échanges à la Cour suprême

Le Comité indépendant de suivi-évaluation de la mise en œuvre des recommandations des Forums nationaux de la refondation (Cinsere-FNR) a présenté, le vendredi dernier, son rapport annuel 2024 aux membres de la Cour suprême. L’évènement qui s’est déroulé dans les locaux de l’institution judiciaire, a enregistré la présence du président de la plus haute juridiction du Mali, Dr Fatoma Thèra et du coordinateur général du Cinsere-FNR, Me Amadou Tiéoulé Diarra..

Par Bembablin DOUMBIA


Publié lundi 13 octobre 2025 à 12:17

Crimes et délits flagrants : Les éclairages de Dr Boubacar Bocoum

Dans les lignes qui suivent, l’enseignant-chercheur à la Faculté de droit privé de l’Université Kurukanfuga de Bamako explique les implications de ces infractions et leurs impacts sur l’immunité parlementaire.

Par Bembablin DOUMBIA


Publié mardi 07 octobre 2025 à 09:14

Ouverture de la session budgétaire du CNT : Entre défis de contrôle et principes de transparence

Outre la loi de finances 2026, une dizaine de projets de loi sont déjà inscrits dans le tableau de saisines de l’organe législatif de la Transition.

Par Bembablin DOUMBIA


Publié mardi 07 octobre 2025 à 09:05

Région de Ségou: L’Armée neutralise plusieurs combattants terroristes

Sur la base de renseignements précis faisant état de la présence de combattants terroristes à N´Golobabougou, situé au Nord-Ouest de Markala dans la Région de Ségou, une unité des Forces armées maliennes ( FAMa) a mené la reconnaissance offensive sur la ladite localité.

Par Bembablin DOUMBIA


Publié mercredi 01 octobre 2025 à 12:03

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner